Rupture et troubles psy : quand la fin d’une relation met à l’épreuve nos fragilités émotionnelles
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Bien que la rupture soit souvent perçue comme un passage douloureux mais inévitable de la vie, pour les personnes vivant avec un trouble psychique, elle peut parfois raviver des peurs et fragiliser l’équilibre émotionnel. Après le choc de l’annonce, elle peut aussi être un moment précieux pour apprendre à mieux se connaître, comprendre ses besoins et ses envies. La distinction entre rupture et séparation est importante : la rupture est souvent vécue comme un événement brutal et dramatique, une porte qui claque sur quelque chose d’irrésolu, laissant peu de place à la réflexion. À l’inverse, une séparation est une décision posée, réfléchie, qui permet de mettre fin à une relation en toute conscience. Alors, même si cela prend du temps, il est essentiel de se rappeler qu’une reconstruction est possible et qu’on peut aller mieux.
En 2025, on sait bien chez Plein Espoir qu’il suffit de quelques clics pour commencer une nouvelle relation, et d’un message pour y mettre fin. Un couple sur cinq se sépare avant cinq ans, et un mariage sur deux se termine en divorce, selon l’Insee. La rupture semble presque normale. Pourtant, quand nous la vivons, c’est bien plus qu’un simple événement : c’est un bouleversement profond, un mélange de douleur physique et émotionnelle, un vide où tout semble s’effondrer.
Quand on vit avec des troubles psy, une rupture peut réveiller des peurs anciennes, rouvrir des blessures qu’on croyait guéries et perturber notre équilibre. Pour mieux comprendre ce que cela implique, nous avons rencontré Julien, Leïla et Enzo (1). Ils nous ont raconté leur souffrance, ce vide intérieur, mais aussi expliqué comment, petit à petit, ils ont surmonté cette épreuve, se sont reconstruits et se projettent désormais vers un avenir plus serein.
Une rupture qui peut profondément bouleverser l’équilibre psychique
Leïla, 32 ans, pensait que son histoire allait durer. Huit ans à faire des projets, à vivre des moments simples. Puis, un soir, entre le plat et le dessert, son compagnon lui dit : « Je ne t’aime plus. » La phrase tombe, froide et brutale. Le lendemain, Leïla part se réfugier chez ses parents, perdue, ne sachant pas comment affronter ce qui vient de se passer. « Je pleurais tout le temps, je ne savais même plus quel jour on était. Manger, respirer, même exister… tout semblait impossible », raconte-t-elle. Sa douleur est palpable. Aimer, c’est se donner. Perdre l’autre, c’est parfois se perdre un peu soi-même, on le sait bien.
Pour des personnes comme Leïla, qui souffrent de troubles psychiques, une rupture brutale peut tout chambouler. Son anxiété généralisée, diagnostiquée lorsqu’elle était adolescente, se réveille. Crises d’angoisse, insomnies, pensées obsédantes… tout revient en force. « Mon psychiatre a dû augmenter les doses de mes médicaments, alors qu’on avait commencé à les réduire depuis plus d’un an. C’est comme si je revenais en arrière, en pire », explique-t-elle. Parfois, ces moments sont accompagnés de pensées sombres. Julien, 42 ans, connaît bien cette situation. Lui, qui vit avec une dépression chronique depuis plus de quinze ans, s’effondre lorsque sa compagne de cinq ans le quitte du jour au lendemain. « D’un claquement de doigt, plus rien n’avait de sens », nous dit-il. Il tente de tenir bon, de s’accrocher, mais la douleur devient insupportable : « J’ai pris mon scooter, je voulais que ça s’arrête. Je n’ai pas roulé assez vite. Juste une cheville foulée. Quelques mois plus tard, j’ai pris un couteau de cuisine. Heureusement, ma sœur est arrivée à temps. » Après cet incident, il passe six semaines dans une maison de repos pour se calmer et retrouver un peu de force. Il sait qu’il lui faudra du temps pour aller mieux, parce que la souffrance ne disparaît pas du jour au lendemain. D’ailleurs, il est fréquent de vivre un nouvel épisode dépressif après une rupture. On a tous connu chez Plein Espoir un proche qui revenait dans des états compliqués alors que l’on pensait que c'était derrière lui, même après plusieurs années parfois. Une étude publiée dans le Clinical Psychological Science, montre d’ailleurs que 60 % des personnes ayant déjà traversé une dépression risquent de rechuter après une rupture. Les hommes sont particulièrement touchés : leur risque de rechuter après une rupture est multiplié par 3,3, contre 2,4 pour les femmes.
Parfois, la douleur va encore plus loin. Certains, comme Enzo, 28 ans, tombent dans des comportements autodestructeurs, comme l’alcool, dans l’espoir de soulager un peu la souffrance. Après quelques semaines avec Pauline, elle lui annonce qu’elle ne veut plus jamais le revoir. Enzo, bouleversé, essaie de la convaincre de lui accorder une dernière chance, en vain. Alors qu’il avait commencé à traiter son addiction à l’alcool avec un thérapeute, il retombe dans ses anciennes habitudes. Il nous confie : « Si je ne buvais pas, je repassais sans arrêt l’histoire dans ma tête, cherchant des détails que je n’avais pas remarqués. » Il sait bien que l’alcool n’est qu’un moyen de tenir le coup, mais au matin, la douleur est toujours là.
Des nouvelles routines et un accompagnement thérapeutique
Pour Leïla comme pour Julien, ces ruptures ont ravivé une peur de l’abandon. En psychologie, on parle d’un mécanisme profond, souvent lié à des expériences qui remontent à l’enfance : un parent absent, une séparation brutale ou des schémas familiaux où l’amour semble toujours conditionnel. Cette peur peut rester cachée en nous pendant des années, mais un événement comme une rupture peut la réveiller. On ne voit pas toujours la douleur qu’elle cause, mais elle se manifeste de différentes manières : insomnie, stress accru, voire des inflammations chroniques, selon l’American Psychological Association. Ces effets montrent que la souffrance d’une rupture va bien au-delà de la tristesse.
Il existe plusieurs façons de nous aider à surmonter une rupture et retrouver un équilibre émotionnel. Par exemple, la thérapie individuelle peut nous aider à mieux comprendre nos comportements, à améliorer l’estime de soi et à apprendre à gérer nos émotions pendant les moments difficiles. Participer à des groupes de soutien permet de partager nos expériences avec d’autres personnes qui ont vécu la même chose, créant ainsi un espace de compréhension et de solidarité. Enfin, adopter des habitudes de bien-être, comme faire du sport, méditer ou pratiquer des activités créatives, peut aider à stabiliser notre état émotionnel. Ces routines sont importantes pour retrouver la sérénité et progressivement se recentrer sur soi.
De retour de sa maison de repos, Julien a continué de voir son thérapeute, mais il a aussi cherché des moyens concrets de reprendre le contrôle de sa vie. Il a décidé de faire du sport un jour sur deux, même si au début, c’était dur de trouver la motivation. Comme il nous le dit : « Au début, je me forçais à sortir du lit, C’était pas facile, j’étais épuisé. » Mais peu à peu, cela devient une habitude. Au fil des semaines, son corps a changé et à améliorer sa perception de lui-même. « C’est devenu essentiel. Le sport m’a permis de mieux dormir, mais aussi de donner un sens à mes journées. » En se concentrant sur des objectifs simples, il a pu détourner son attention de la douleur de la rupture et se concentrer sur ses progrès. « Ce n’était pas juste physique, ajoute-t-il. Ça m’a redonné confiance en moi. » Ce retour au corps l’a aidé à avancer, à se reconnecter à la réalité et à redonner du sens à sa vie.
Pour Leïla, la rupture a été un vrai tournant. Elle l’a vue comme une occasion de travailler sur sa peur de l’abandon et sur son estime de soi. « Depuis que je suis jeune adulte, j’ai toujours été en couple, nous raconte-t-elle. J’avais du mal à exprimer ce que je voulais vraiment, mes désirs, mes envies. Comme beaucoup de personnes qui ont un attachement insécure, je faisais tout pour satisfaire l’autre, pour répondre à ses attentes. C’était difficile de me retrouver seule, je me sentais perdue, je pensais que ma vie n’avait plus de sens sans lui. » Elle a compris qu’elle devait accepter cette réalité pour avancer et faire face à ses propres limites. « Il a fallu que j’accepte mes imperfections. Peu importe ce que je pouvais faire, je devais apprendre à vivre avec ça. » Heureusement, elle a pu compter sur le soutien de sa famille et de ses amis, même si elle reconnaît que le chemin vers la guérison passait avant tout par une réconciliation avec elle-même. Elle a commencé par changer de médecin et augmenter la fréquence de son suivi. Son thérapeute lui a proposé un exercice simple, mais précieux : noter chaque jour ses émotions dans un carnet. Cela l’a aidée à prendre du recul sur ce qu’elle vivait et à voir les choses différemment. En parallèle, Leïla s’est fixée des petits objectifs pour se reconnecter à la vie, comme retrouver ses amis pour boire un verre ou organiser des moments juste pour elle, un "date" où elle prenait soin d’elle. « C’était important de me donner des petites victoires, de voir que j’étais capable d’avancer. » Petit à petit, cette routine l’a aidée à reprendre confiance en elle et à se sentir plus sereine.
Enfin, Enzo a pris une décision importante : il a décidé de s'installer temporairement chez sa meilleure amie pour mieux contrôler sa consommation d’alcool. « Chez elle, je ne pouvais plus me cacher ni me mentir à moi-même », raconte-t-il. En parallèle, il est retourné voir des pairs aidants lors de réunions hebdomadaires, un espace où il a appris à dénouer ses émotions et à progresser. Il s’est aussi donné des objectifs simples, comme lire un livre chaque semaine et marcher au moins trente minutes par jour, pour donner un sens à ses journées. Ce n’était pas toujours facile, surtout quand on alterne avec des moments de mieux et des rechutes. « Parfois, on pense que tout est fini, et d’autres fois, on se sent plus fort, plus calme. Mais avec le temps, j’ai vu que les crises étaient plus faciles à gérer et s'espacent de plus en plus », nous explique Enzo. Grâce aux progrès qu’il a faits, il a franchi une nouvelle étape en réactivant son profil sur une application de rencontre. « Refaire confiance à quelqu’un, ça prendra du temps. Mais je me sens capable d’essayer autre chose. »
Beaucoup d’entre nous l’ont vécu : contrairement à une séparation qui peut être plus maîtrisée, conscientisée, une rupture est souvent brutale, fait écho à des expériences passées inachevées, pas toujours bien intégrées... Elle peut ainsi déstabiliser notre quotidien, fragiliser notre estime de soi en profondeur et nous plonger dans des émotions intenses, parfois difficiles à gérer. Pour les personnes souffrant de troubles psychiques, cette épreuve devient encore plus complexe. Une rupture peut réveiller des angoisses profondes, amplifier nos peurs, réactiver des systèmes de défense devenus peu à peu inutiles, donc destructeurs et donner l’impression qu’il n’y a plus d’issue. C’est pourquoi il est essentiel de s’accorder du temps pour se remettre, de ne pas minimiser ce qu’on ressent, et de chercher du soutien. Ce soutien peut venir de proches, de groupes d’entraide, de pairs aidants qui ont vécu des expériences similaires, ou de professionnels capables d’apporter un accompagnement adapté. Et même si l’avenir sans la personne qu’on aimait semble difficile à imaginer, il peut être plein de promesses. Une rupture, aussi douloureuse soit-elle, peut être un moment pour apprendre à mieux se connaître. Elle nous invite à réfléchir à nos besoins, à nos limites, et aux schémas qui ont marqué nos relations. Cela peut être l’occasion de comprendre ce qui compte vraiment pour nous, ce qui manque dans notre vie, et les changements nécessaires pour avancer. Avec du temps, de l’écoute, et des routines pour aller mieux, il est possible de se reconstruire et de se projeter dans un avenir où le bonheur prend une nouvelle forme.
(1) : Les prénoms ont été changés afin de préserver l'anonymat des personnes interviewées.
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