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Mon enfant a un trouble psychique… mais pas de diagnostic


Entre des délais interminables pour accéder à un spécialiste, le manque de moyens dans les écoles et la peur d’étiqueter trop tôt un trouble encore en évolution, de nombreuses familles restent dans l’impasse. Pour mieux comprendre le quotidien d’un parent en quête de réponses, Plein Espoir a rencontré Aurore, maman de trois enfants, dont Aaron, 5 ans. Un petit garçon vif et curieux, mais qui peine à trouver sa place en groupe. À l’école, il s’agite, crie, se lève sans prévenir, frappe parce qu’il ne parvient pas à canaliser ses émotions. Malgré des signes qui semblent évidents de troubles du comportement, le diagnostic se fait attendre. Trop jeune pour certains, pas assez en difficulté scolaire pour d’autres, le petit garçon bénéficie d’un accompagnement limité faute de ressources. L’histoire d’Aaron et de sa maman met en lumière une réalité qui touche de plus en plus de familles : l’errance diagnostique, qui retarde la prise en charge et laisse parents et enfants livrés à eux-mêmes.

Je suis maman de trois jeunes enfants, les deux derniers ont moins de deux ans d’écart. Avec mon mari, on n’a pas tout de suite remarqué qu’Aaron, notre deuxième, était un peu différent. Pendant ma troisième grossesse, c’est son papa qui s’en est beaucoup occupé. Et à cause des confinements, il a passé plus de temps à la maison que les autres. 


C’est à son entrée à l’école que les difficultés sont arrivées. Très vite, la maîtresse et les parents d’autres élèves sont venus me voir à la sortie. Aaron avait des comportements violents. Je me suis dit qu’il découvrait la vie en groupe, qu’il avait peut-être besoin de plus d’attention que les autres, que ça allait passer. Il mordait souvent, il se faisait du mal, il jetait par terre tout ce qu’il avait sous la main. Bien sûr, j’ai essayé de lui faire comprendre que ce n’était pas bien, mais c’était plus fort que lui. À ce moment-là, j’ai rencontré des parents d’enfants neuro-atypiques (TDAH, HPI, etc.). Les profils étaient différents, mais les comportements qu’ils décrivaient correspondaient à ceux de mon fils. Mon cœur de maman a fini par me dire : mon fils a un problème. 

« On a voulu me faire croire que j’étais responsable du trouble de mon enfant »


Je me suis renseignée, j’ai suivi des comptes Instagram dédiés, j’ai passé du temps sur des forums, j’ai posé beaucoup de questions. Et puis, je me suis dit qu’il fallait qu’il bénéficie d’une prise en charge auprès d'un CMPE (Centre Médico-Psychologique Enfant & Adolescent), mais les démarches sont longues, fastidieuses. Il m’a fallu plus d’un an pour décrocher un rendez-vous. Aaron a vu une psychologue, puis un pédopsychiatre. Le problème est toujours le même : quand on est seul avec lui, ce petit garçon est adorable, intelligent, vif. Difficile de dire qu’il a un trouble du comportement. À aucun moment, les médecins m’ont parlé de neuro-atypie ni de TDAH, mais me disaient qu’il y a sûrement eu des traumatismes dans la petite enfance et qu’il fallait creuser ces éléments. On m’a demandé de raconter ma grossesse - qui a été très difficile -, mon accouchement, comme si j’étais responsable, coupable. Et puis, on m’a dit que les choses allaient finir par s’arranger d’elles-mêmes. 


Pendant plusieurs mois, Aaron a vu la psychiatre une fois toutes les deux semaines, mais rien ne changeait. J’avais beau dire aux médecins que c’était peut-être autre chose, que j’avais lu des études… On ne m’écoutait pas et à l’école, c’était de plus en plus difficile. Quand j’ai appris que des parents avaient porté plainte contre lui, je me suis effondrée. Je sais qu’il ne contrôle pas tout ça. Ce n’est pas à lui de s’adapter. C’est à nous de comprendre, d’anticiper, d’agir différemment pour l’aider. Et en face, il y a aussi les maîtresses qui sont dépassées. 


Mon fils, c’est aussi un enfant qui ne tient pas en place, qui ne supporte pas de rester en groupe. Dès qu’il est entouré, il crie, se lève, tape le copain d’à côté parce qu’il s’ennuie. Il grimpe sur les meubles, il extériorise, il insulte. J’imagine combien ça doit être difficile en classe. Et en même temps, c’est dur d’entendre qu’on ne peut pas répondre aux besoins de mon enfant, qu’on ne peut pas s’adapter à lui. Comme la prise en charge avec la psy ne menait à rien, c’est mon mari qui a pris le relais. Un jour, il va la voir et lui dit clairement : “Ma femme ne veut plus venir, parce que vous ne l’écoutez pas.” Et là, tout s’est débloqué.


On nous a dit : “Très bien, on va vous accompagner.” La psy a lancé une demande auprès de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) pour que son handicap soit officiellement reconnu. On nous a parlé d’un accompagnement, d’une aide humaine, d’un soutien financier pour d’éventuels soins en psychomotricité. Un rendez-vous est fixé avec une psychomotricienne pour évaluer ses besoins. Ensuite, on nous oriente vers l’unité UETDTCA de l’hôpital de Versailles (Unité d'évaluation des troubles du développement affectif et cognitif de l'enfant et de l'adolescent), spécialisée dans l’accompagnement des enfants neuro-atypiques et les diagnostics. On a fait le rendez-vous, mais pour l’instant, ils refusent de poser un diagnostic. Trop petit. Il n’a que cinq ans. Il faut attendre l’acquisition de la lecture. Le médecin me dit que les choses peuvent encore bouger. Que le cerveau va mûrir, qu’avec plus d’autonomie, un cadre différent, il pourrait mieux s’adapter. Peut-être que la maternelle ne lui convient tout simplement pas. Mais en attendant, rien ne change. 

« Pour regagner sa confiance, j’ai appris à l’écouter sans le juger ni le gronder »

C’est compliqué à l’école, mais aussi à la maison. Son comportement pèse sur toute la famille. Il est bien que quand il est seul. Il se dispute tout le temps avec son frère et soeur. Et avec son père, c’est pire. Parfois, il le rejette complètement, avec des mots d’une grande violence : “Je préfère que tu sois mort. Quitte la maison. Je ne veux plus te voir.” Imagines ce que ça fait d’entendre ça quand tu es père !  C’est insoutenable. Il me l’a dit à moi aussi, il y a un an. Mais depuis, j’ai l’impression d’avoir beaucoup avancé avec lui. J’ai découvert la méthode Barkley et entamé une guidance parentale. C’est une approche venue des États-Unis, structurée en un programme avec des outils concrets pour gérer les situations compliquées du quotidien. La clé, c’est l’écoute. Pas la punition immédiate, pas la réaction à chaud. Quand il est en colère, quand il n’entend rien, ça ne sert à rien de s’opposer frontalement. Cette méthode est très proche de la pédagogie positive.


Par exemple, s’il frappe son frère ou sa sœur, je ne vais pas tout de suite me focaliser sur lui. D’abord, je vais rassurer l’enfant qui a reçu le coup. Une fois que tout est apaisé, j’aborde la situation avec lui. Je mets des mots sur ce qu’il s’est passé, je l’aide à comprendre comment il aurait pu réagir autrement. Je me suis rendu compte que le simple fait de l’écouter, sans jugement, de lui laisser l’espace pour venir vers moi, a changé beaucoup de choses. Maintenant, quand quelque chose ne va pas à l’école, je n’ai plus besoin de creuser. Il vient me le dire lui-même : “Aujourd’hui, ça ne s’est pas bien passé, j’ai fait ça.” Cette année, il a une nouvelle maîtresse, plus sensibilisée à ces problématiques. Elle valorise le positif, met en avant ses réussites. C’est un élément clé de cette approche : souligner les bons comportements pour qu’ils prennent naturellement le dessus sur les mauvais. Après, si la théorie est géniale, au quotidien, ça reste un défi. Je suis maman de trois enfants, avec un quotidien chargé, un travail, de la fatigue, je n’ai pas toujours la patience nécessaire.

« Poser un diagnostic pour qu’on change de regard sur mon enfant »


Pourquoi est-ce si important de poser un diagnostic sur le trouble de mon enfant ? Parce que ça changerait le regard des autres sur Aaron. Aujourd’hui, il est vu comme un enfant perturbateur, malpoli, mal élevé. Et nous, ses parents, nous sommes soi-disant “incapables” de l’éduquer correctement. Pourtant, on a trois enfants, on leur donne la même éducation, et avec les deux autres, tout se passe bien. Ce n’est pas un problème d’éducation. Aaron ne fonctionne juste pas de la même façon. En fait, j'ai l’impression qu’on lui colle une étiquette qui n’est pas la bonne. Bien sûr, un diagnostic, c’est aussi une étiquette. Mais une étiquette qui doit ouvrir des portes : avec un meilleur accompagnement scolaire, une reconnaissance auprès de l’équipe pédagogique, plus d’outils pour l’aider. 

Les pédopsychiatres disent qu’un diagnostic trop précoce pourrait lui faire prendre conscience de sa différence, qu’il pourrait s’auto-exclure, se désocialiser. Mais c’est déjà le cas. Mon fils est en troisième année de maternelle et il n’a jamais été invité à un seul anniversaire. À l’école, quand les enfants le voient, j’entends leurs réflexions : “Ah, c’est Aaron !” Quand il y a un problème dans la cour, un enfant qui fait une bêtise, tout le monde pointe du doigt Aaron même quand ce n’est pas lui. Parce que c’est plus simple comme ça. Alors oui, je comprends leur raisonnement, mais la réalité, c’est qu’on est déjà en train d’essayer de réparer les dégâts. Il n’a que cinq ans et on doit déjà déconstruire l’image qu’il traîne derrière lui. D’ailleurs, il en a conscience, parfois il me dit : “Maman, je n’arrive pas à me contrôler.” Ce matin encore, il a frappé sa sœur avec une violence qui m’a bouleversée, parce qu’il voulait dire quelque chose et qu’elle était en train de parler. Ce n’est pas un enfant qui cherche à faire du mal. Il subit ce qui lui arrive autant que nous.


Si on ne parvient pas à modifier son comportement maintenant, qu’est-ce que ce sera à l’adolescence ? C’est aussi ça l’enjeu : éviter que les choses s’aggravent. Mais je ne sais pas si le TDAH s’aggrave avec le temps. Tous les parents avec qui j’en ai parlé ont fini par obtenir un diagnostic, et beaucoup ont opté pour un traitement médicamenteux. Chez certains, ça a radicalement changé le comportement de leur enfant. Ce qui est sûr, c’est qu’on doit avancer sur plusieurs fronts. D’abord, à la maison, faire en sorte que la guidance parentale porte ses fruits. Puis, faut qu’on arrive à faire comprendre à sa grande sœur de neuf ans ce qui se passe avec son petit frère. Et puis enfin, il y a la sphère médicale. Dans un an, ça serait bien de poser officiellement le diagnostic. Si un traitement s’avère nécessaire, on le mettra en place. Pour le reste, on verra plus tard. 

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