Couple et troubles psy : et s’il était possible de s’épanouir autrement ?

“Et toi alors, tu as un amoureux ?” On entend dès le plus jeune âge cette question qui se transforme rapidement en forme d’injonction : notre bonheur se niche forcément dans une relation amoureuse.  En réalité, et heureusement, on peut s’épanouir autrement. Et si la solitude peut faire peur quand on vit avec un trouble psychique, elle peut aussi être l’occasion de prendre soin de soi et faire ce qui nous fait vraiment plaisir. Loin des contraintes du couple, on peut se lancer dans des projets personnels ou renforcer des liens importants, comme nos amitiés. Mais attention, il est important de distinguer solitude et isolement : la solitude peut être un espace de liberté, alors que l’isolement est souvent vécu comme une contrainte. D’ailleurs, quand on choisit la solitude, on se rend vite compte que le bonheur ne dépend pas d’une autre personne, mais d’abord de l’amour qu’on se porte et des liens qu’on tisse avec les autres. En tout cas, chez Plein espoir, on en est convaincu : il est tout à fait possible d’être épanoui sans être en couple.

Ces dernières années, on parle de plus en plus d’asexualité, de polyamour, d’amour platonique…, ou même du choix de rester seul. Les mentalités semblent s’ouvrir et l’idée de vivre sans être en couple paraît de plus en plus acceptée. Pourtant, dans les films, les séries et, plus largement, dans la culture populaire, on continue de nous expliquer qu’on serait tous plus heureux en couple. Comme si, sans ce lien – celui qui unit deux personnes autour d’un projet commun – on risquait de passer à côté de l’essentiel. Mais parfois, et plus encore lorsqu’on vit avec des troubles psychiques, on peut réaliser que le couple n’est pas toujours facile à envisager et qu’il n’est pas fait pour nous. Et devinez quoi ? On peut tout à fait s’épanouir autrement. Pour mieux comprendre comment vivre heureux sans être en couple, on a rencontré Lucie, Jessica et Adélaïde, qui ont accepté de nous partager leurs parcours (1).

Ne pas céder aux injonctions de la société 


Lucie, 28 ans, est convaincue de ne pas être faite pour le couple. Célibataire depuis toujours, elle n’a jamais envisagé la vie autrement. Ce n’est ni par peur ni par rejet, mais simplement parce que l’idée du couple ne lui parle pas. Elle n’a jamais ressenti d’attirance particulière pour quelqu’un et considère aussi le sexe comme accessoire. D’ailleurs, quand il s’agit de choisir entre le couple et la liberté, le choix est simple : « Pour moi, être seule, c’est être libre de prendre mes décisions. Je fais mes projets sans avoir à m’ajuster aux envies de quelqu’un d’autre. Mais attention, être célibataire par choix ne signifie pas être isolée ! Mes amis sont essentiels à mon équilibre. J’adore partager des moments avec eux, mais après j’aime autant rentrer chez moi et retrouver mon espace. »


Dépressive chronique depuis près de dix ans, la jeune femme traverse parfois des périodes difficiles marquées par des pensées très sombres. Ses parents, inquiets pour elle, aimeraient qu’elle en finisse avec le célibat : « Ils me disent que je vais le regretter, que plus tard, je serai moins jolie et que je ne pourrai pas avoir d’enfants. Parfois, ils me disent que la vie est de plus en plus chère et que c’est plus facile à gérer à deux. Mais aussi que si ça ne va pas bien dans ma tête, je serais contente d’avoir quelqu’un à côté. » Lucie comprend, mais cela ne change rien : « Je trouve que c’est malhonnête de se mettre en couple juste pour des raisons pratiques, sachant que je ne ressens rien pour l’autre. Et puis, le fait d’être dépressive me pousse encore plus à rester seule. Je n’ai pas envie d’imposer ça à quelqu’un, ni de m’excuser ou de faire semblant quand je ne vais pas bien. » La culpabilité de se sentir « un poids » est une réalité pour beaucoup de ceux qui vivent avec des troubles psychiques. Mais il est important de ne pas oublier que la solitude n’est pas toujours une malédiction. Elle peut aussi être une étape nécessaire : un espace pour se redécouvrir, pour apprivoiser ses blessures avant de se rouvrir au monde, ou à l’autre. 


Bien que ce soit souvent perçu comme un tabou, Lucie se sent épanouie, malgré l’absence de relation amoureuse. De toute façon, ce n’est pas le genre de chose qu’on peut forcer. Elle continue de résister aux pressions extérieures pour vivre selon ses propres choix : en dehors de ce qu’on attend d’elle, mais en harmonie avec qui elle est vraiment. Ce choix lui permet de se recentrer, d’affronter ses peurs et ses doutes sans attendre qu’une autre personne l’aide à le faire. 


« Ce qui compte, c’est de trouver un équilibre. On n’a pas besoin d’un couple pour ça. Moi, ce que j’aime, c’est entretenir des amitiés profondes et profiter de ma vie seule, sans chercher à plaire ou à m’adapter aux autres. » La jeune femme qui se considère comme aromantique (une personne qui ne ressent pas de sentiment amoureux) n’a jamais pensé devenir maman un jour et refuse même l’idée de vivre autrement que seule. Et vous savez quoi ? Ça ne l’empêche pas de réaliser plein de choses ! 

Plus de tranquillité émotionnelle

Contrairement à Lucie, Jessica, 26 ans, a vécu plusieurs histoires d’amour. Par ailleurs, elle n’imagine pas une vie sans sexualité à deux. Pour autant, son trouble borderline a souvent été à l’origine d’incompréhensions dans ses anciennes relations, ce qui l’a beaucoup fait souffrir. « Ma dernière histoire a duré trois ans, et quand la personne avec qui j’étais m’a dit que ça serait bien de s’installer ensemble, j’ai fui. J’avais très peur de m’enfermer avec lui et de ne plus arriver à gérer les moments où je ne vais pas bien. Je passais mon temps à pleurer. » Avec le trouble borderline, on peut parfois avoir du mal à gérer ses émotions, mais aussi, il n’est pas rare qu’un petit malentendu ou un changement de comportement soit vu comme un rejet. Elle nous explique : « Par exemple, quand je ne reçois pas de message pendant une journée, je peux commencer à me dire qu’on m’aime plus ou qu’on me déteste. »


Il y a deux ans, Jessica a donc pris une décision importante : renoncer au couple exclusif, parce que c’était trop difficile. Depuis, elle a trouvé une autre façon de vivre ses relations amoureuses. Elle fréquente trois garçons qui sont aussi des amis de longue date. « Ce qui est important, c’est qu’ils soient d’abord mes amis. Ils connaissent déjà mon trouble, donc ils comprennent mes réactions et ils sont là quand ça ne va pas. » Pour Jessica, ces relations répondent à plusieurs besoins liés à son trouble. Cela lui permet d’éviter la pression d’un couple exclusif qui pourrait réveiller ses peurs, sans renoncer à l’amour. Et si elle traverse une période difficile, elle peut se tourner vers eux sans craindre de les perdre ou qu’ils réagissent mal. C’est sa façon à elle de garder les commandes, de ne plus être embarquée dans le manège des attentes et des désillusions. L’idée qu’un amour puisse réparer ce qui s’effrite à l’intérieur, c’est beau, c’est même tentant. Mais c’est aussi dangereux. Émilie préfère croire qu’un lien solide ne tient jamais à une mission de sauvetage. On ne sauve personne, et surtout pas soi-même, en se perdant dans l’autre.


Bien que cette forme d’amour ne soit pas “classique”, elle nous montre qu’on peut être aimé et soutenu sans les contraintes du couple exclusif. Elle offre aussi un luxe rare : du temps pour soi. Ce petit espace où l’on peut respirer, se retrouver, recoller les morceaux quand l’équilibre vacille. C’est une façon d’aimer qui écoute, qui s’adapte, qui sait vivre au rythme des besoins de chacun. Un acte de courage, en réalité. 

Des phases de trop-plein, puis de vide profond

Adélaïde a 63 ans, et des histoires d’amour, elle en a vécu. Beaucoup. Malgré les montagnes russes de son trouble bipolaire, diagnostiqué à 25 ans. Ce trouble complexe se caractérise par des variations importantes de l’humeur, où l’on passe de périodes de grande énergie à des phases de dépression profonde, où on se retrouve dans une incapacité à se connecter aux autres. L’alternance de ces phases rend les relations stables difficiles à vivre. D’ailleurs, la première fois que Adélaïde a connu la dépression, c’est lorsqu’elle est tombée amoureuse d’un homme alors qu’elle était déjà en couple. Elle se souvient que le mélange de sentiments a été trop difficile à gérer : « Je n’ai pas supporté. J’ai quitté mon compagnon et je suis retournée vivre chez mes parents. Pendant six mois, je n’arrivais pas à prendre soin de moi, si on me disait pas d’aller me laver, je le faisais pas et j’étais incapable de me faire à manger. J’ai fini par être hospitalisée. » 


Avec les années, Adélaïde a appris à comprendre comment elle fonctionne. « Quand je suis dans une phase maniaque, tout me semble possible : je suis pleine d’énergie, je multiplie les relations et mon désir sexuel est important. Mais dès que la dépression arrive, je me referme sur moi-même, je n’arrive plus à m’intéresser à rien ni à personne. Pendant longtemps et que je sois amoureuse ou non, je rompais systématiquement quand je n’allais pas bien. » Il est facile de comprendre que, dans ces conditions, maintenir un couple, avec des projets communs et une vie partagée, est souvent impossible. D’ailleurs, contrairement à beaucoup de femmes de sa génération, Adélaïde n’a jamais aspiré à la maternité ni à bâtir une relation « très sérieuse » avec un homme.  « Depuis toute jeune, quand je rencontre quelqu’un, je suis à fond. Mais au bout de quelques mois, je me lasse, je ne vois plus l’intérêt de continuer. Et puis, j’ai été hospitalisée six fois. Ce n’est pas facile de maintenir des relations stables avec tout ça. »


Aujourd’hui, son état est stabilisé. Et bien qu’elle voit quelqu’un depuis deux ans, elle ne parle toujours pas de couple. Chacun chez soi. Ce qui est important pour elle, c’est de vivre pleinement l’instant, tout en gardant de l’espace pour être heureuse de le retrouver. « On pourrait croire que j’ai raté quelque chose, mais je ne suis pas d’accord. Ça ne m’a pas empêchée d’avoir une carrière épanouie et des amitiés très solides. La plupart de mes amies sont là depuis l’adolescence, et c’est ça qui fait mon équilibre. On dit souvent que les histoires d’amour sont les plus importantes dans la vie, mais pour moi, ce sont mes amitiés qui comptent. Et je ne pense pas que ce soit un amour moins fort. » Avec son parcours, elle nous montre que refuser d’être en couple ne signifie pas du tout renoncer à l’amour. C’est simplement une façon de l’orienter ailleurs : vers l’amitié, la famille, ou même un engagement personnel qui résonne. Se recentrer sur soi, c’est poser les fondations d’un amour plus ancré, plus stable, plus durable. Pas celui qui s’épuise dans les attentes d’une relation classique, mais celui qui se construit lentement, sur des bases plus profondes.

On le sait bien, les troubles psychiques peuvent être invisibles, presque secrets. Mais leurs effets, eux, sont parfois loin de passer inaperçus. Comme Lucie, Sarah, Adélaïde, certains choisissent de renoncer au couple pour ne pas exposer leur partenaire à des crises, des sautes d’humeur imprévisibles, ou des émotions trop lourdes à porter à deux. Ce n’est pas de l’égoïsme, mais un geste d’amour. Un amour, à la fois envers soi et envers l’autre. Pourtant, cette décision, souvent difficile à assumer, soulève une question fondamentale : pourquoi accorde-t-on autant de poids à la vie à deux, au point de considérer la solitude comme un échec ? Si l’on prend un moment pour observer autour de soi, on se rend vite compte que de plus en plus de personnes, même sans troubles psychologiques, choisissent un chemin différent, loin des attentes traditionnelles. Toutes ces histoires nous rappellent que refuser le couple, opter pour une solitude active, ne rime pas avec toujours isolement. C’est plutôt une reconnaissance de ses limites, de ses besoins, et de sa capacité à tisser des liens autrement. Ce n’est pas un renoncement. C’est une manière de se reconstruire, plus fort, plus serein, en toute liberté, et en dehors des contes de fées que l’on nous raconte depuis notre enfance.

(1) : Les prénoms ont été changés afin de préserver l’anonymat des personnes interviewées.

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Rupture et troubles psy : quand la fin d’une relation met à l’épreuve nos fragilités émotionnelles

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Bien que la rupture soit souvent perçue comme un passage douloureux mais inévitable de la vie, pour les personnes vivant avec un trouble psychique, elle peut parfois raviver des peurs et fragiliser l’équilibre émotionnel. Après le choc de l’annonce, elle peut aussi être un moment précieux pour apprendre à mieux se connaître, comprendre ses besoins et ses envies. La distinction entre rupture et séparation est importante : la rupture est souvent vécue comme un événement brutal et dramatique, une porte qui claque sur quelque chose d’irrésolu, laissant peu de place à la réflexion. À l’inverse, une séparation est une décision posée, réfléchie, qui permet de mettre fin à une relation en toute conscience. Alors, même si cela prend du temps, il est essentiel de se rappeler qu’une reconstruction est possible et qu’on peut aller mieux.

En 2025, on sait bien chez Plein Espoir qu’il suffit de quelques clics pour commencer une nouvelle relation, et d’un message pour y mettre fin. Un couple sur cinq se sépare avant cinq ans, et un mariage sur deux se termine en divorce, selon l’Insee. La rupture semble presque normale. Pourtant, quand nous la vivons, c’est bien plus qu’un simple événement : c’est un bouleversement profond, un mélange de douleur physique et émotionnelle, un vide où tout semble s’effondrer.


Quand on vit avec des troubles psy, une rupture peut réveiller des peurs anciennes, rouvrir des blessures qu’on croyait guéries et perturber notre équilibre. Pour mieux comprendre ce que cela implique, nous avons rencontré Julien, Leïla et Enzo (1). Ils nous ont raconté leur souffrance, ce vide intérieur, mais aussi expliqué comment, petit à petit, ils ont surmonté cette épreuve, se sont reconstruits et se projettent désormais vers un avenir plus serein.

Une rupture qui peut profondément bouleverser l’équilibre psychique

Leïla, 32 ans, pensait que son histoire allait durer. Huit ans à faire des projets, à vivre des moments simples. Puis, un soir, entre le plat et le dessert, son compagnon lui dit : « Je ne t’aime plus. » La phrase tombe, froide et brutale. Le lendemain, Leïla part se réfugier chez ses parents, perdue, ne sachant pas comment affronter ce qui vient de se passer. « Je pleurais tout le temps, je ne savais même plus quel jour on était. Manger, respirer, même exister… tout semblait impossible », raconte-t-elle. Sa douleur est palpable. Aimer, c’est se donner. Perdre l’autre, c’est parfois se perdre un peu soi-même, on le sait bien.


Pour des personnes comme Leïla, qui souffrent de troubles psychiques, une rupture brutale peut tout chambouler. Son anxiété généralisée, diagnostiquée lorsqu’elle était adolescente, se réveille. Crises d’angoisse, insomnies, pensées obsédantes… tout revient en force. « Mon psychiatre a dû augmenter les doses de mes médicaments, alors qu’on avait commencé à les réduire depuis plus d’un an. C’est comme si je revenais en arrière, en pire », explique-t-elle. Parfois, ces moments sont accompagnés de pensées sombres. Julien, 42 ans, connaît bien cette situation. Lui, qui vit avec une dépression chronique depuis plus de quinze ans, s’effondre lorsque sa compagne de cinq ans le quitte du jour au lendemain. « D’un claquement de doigt, plus rien n’avait de sens », nous dit-il. Il tente de tenir bon, de s’accrocher, mais la douleur devient insupportable : « J’ai pris mon scooter, je voulais que ça s’arrête. Je n’ai pas roulé assez vite. Juste une cheville foulée. Quelques mois plus tard, j’ai pris un couteau de cuisine. Heureusement, ma sœur est arrivée à temps. » Après cet incident, il passe six semaines dans une maison de repos pour se calmer et retrouver un peu de force. Il sait qu’il lui faudra du temps pour aller mieux, parce que la souffrance ne disparaît pas du jour au lendemain. D’ailleurs, il est fréquent de vivre un nouvel épisode dépressif après une rupture. On a tous connu chez Plein Espoir un proche qui revenait dans des états compliqués alors que l’on pensait que c’était derrière lui, même après plusieurs années parfois. Une étude publiée dans le Clinical Psychological Science, montre d’ailleurs que 60 % des personnes ayant déjà traversé une dépression risquent de rechuter après une rupture. Les hommes sont particulièrement touchés : leur risque de rechuter après une rupture est multiplié par 3,3, contre 2,4 pour les femmes.


Parfois, la douleur va encore plus loin. Certains, comme Enzo, 28 ans, tombent dans des comportements autodestructeurs, comme l’alcool, dans l’espoir de soulager un peu la souffrance. Après quelques semaines avec Pauline, elle lui annonce qu’elle ne veut plus jamais le revoir. Enzo, bouleversé, essaie de la convaincre de lui accorder une dernière chance, en vain. Alors qu’il avait commencé à traiter son addiction à l’alcool avec un thérapeute, il retombe dans ses anciennes habitudes. Il nous confie : « Si je ne buvais pas, je repassais sans arrêt l’histoire dans ma tête, cherchant des détails que je n’avais pas remarqués. » Il sait bien que l’alcool n’est qu’un moyen de tenir le coup, mais au matin, la douleur est toujours là.

Des nouvelles routines et un accompagnement thérapeutique

Pour Leïla comme pour Julien, ces ruptures ont ravivé une peur de l’abandon. En psychologie, on parle d’un mécanisme profond, souvent lié à des expériences qui remontent à l’enfance : un parent absent, une séparation brutale ou des schémas familiaux où l’amour semble toujours conditionnel. Cette peur peut rester cachée en nous pendant des années, mais un événement comme une rupture peut la réveiller. On ne voit pas toujours la douleur qu’elle cause, mais elle se manifeste de différentes manières : insomnie, stress accru, voire des inflammations chroniques, selon l’American Psychological Association. Ces effets montrent que la souffrance d’une rupture va bien au-delà de la tristesse. 


Il existe plusieurs façons de nous aider à surmonter une rupture et retrouver un équilibre émotionnel. Par exemple, la thérapie individuelle peut nous aider à mieux comprendre nos comportements, à améliorer l’estime de soi et à apprendre à gérer nos émotions pendant les moments difficiles. Participer à des groupes de soutien permet de partager nos expériences avec d’autres personnes qui ont vécu la même chose, créant ainsi un espace de compréhension et de solidarité. Enfin, adopter des habitudes de bien-être, comme faire du sport, méditer ou pratiquer des activités créatives, peut aider à stabiliser notre état émotionnel. Ces routines sont importantes pour retrouver la sérénité et progressivement se recentrer sur soi.


De retour de sa maison de repos, Julien a continué de voir son thérapeute, mais il a aussi cherché des moyens concrets de reprendre le contrôle de sa vie. Il a décidé de faire du sport un jour sur deux, même si au début, c’était dur de trouver la motivation. Comme il nous le dit : « Au début, je me forçais à sortir du lit, C’était pas facile, j’étais épuisé. » Mais peu à peu, cela devient une habitude. Au fil des semaines, son corps a changé et à améliorer sa perception de lui-même. « C’est devenu essentiel. Le sport m’a permis de mieux dormir, mais aussi de donner un sens à mes journées. » En se concentrant sur des objectifs simples, il a pu détourner son attention de la douleur de la rupture et se concentrer sur ses progrès. « Ce n’était pas juste physique, ajoute-t-il. Ça m’a redonné confiance en moi. » Ce retour au corps l’a aidé à avancer, à se reconnecter à la réalité et à redonner du sens à sa vie.


Pour Leïla, la rupture a été un vrai tournant. Elle l’a vue comme une occasion de travailler sur sa peur de l’abandon et sur son estime de soi. « Depuis que je suis jeune adulte, j’ai toujours été en couple, nous raconte-t-elle. J’avais du mal à exprimer ce que je voulais vraiment, mes désirs, mes envies. Comme beaucoup de personnes qui ont un attachement insécure, je faisais tout pour satisfaire l’autre, pour répondre à ses attentes. C’était difficile de me retrouver seule, je me sentais perdue, je pensais que ma vie n’avait plus de sens sans lui. » Elle a compris qu’elle devait accepter cette réalité pour avancer et faire face à ses propres limites. « Il a fallu que j’accepte mes imperfections. Peu importe ce que je pouvais faire, je devais apprendre à vivre avec ça. » Heureusement, elle a pu compter sur le soutien de sa famille et de ses amis, même si elle reconnaît que le chemin vers la guérison passait avant tout par une réconciliation avec elle-même. Elle a commencé par changer de médecin et augmenter la fréquence de son suivi. Son thérapeute lui a proposé un exercice simple, mais précieux : noter chaque jour ses émotions dans un carnet. Cela l’a aidée à prendre du recul sur ce qu’elle vivait et à voir les choses différemment. En parallèle, Leïla s’est fixée des petits objectifs pour se reconnecter à la vie, comme retrouver ses amis pour boire un verre ou organiser des moments juste pour elle, un « date » où elle prenait soin d’elle. « C’était important de me donner des petites victoires, de voir que j’étais capable d’avancer. » Petit à petit, cette routine l’a aidée à reprendre confiance en elle et à se sentir plus sereine.


Enfin, Enzo a pris une décision importante : il a décidé de s’installer temporairement chez sa meilleure amie pour mieux contrôler sa consommation d’alcool. « Chez elle, je ne pouvais plus me cacher ni me mentir à moi-même », raconte-t-il. En parallèle, il est retourné voir des pairs aidants lors de réunions hebdomadaires, un espace où il a appris à dénouer ses émotions et à progresser. Il s’est aussi donné des objectifs simples, comme lire un livre chaque semaine et marcher au moins trente minutes par jour, pour donner un sens à ses journées. Ce n’était pas toujours facile, surtout quand on alterne avec des moments de mieux et des rechutes. « Parfois, on pense que tout est fini, et d’autres fois, on se sent plus fort, plus calme. Mais avec le temps, j’ai vu que les crises étaient plus faciles à gérer et s’espacent de plus en plus », nous explique Enzo. Grâce aux progrès qu’il a faits, il a franchi une nouvelle étape en réactivant son profil sur une application de rencontre. « Refaire confiance à quelqu’un, ça prendra du temps. Mais je me sens capable d’essayer autre chose. »

Beaucoup d’entre nous l’ont vécu : contrairement à une séparation qui peut être plus maîtrisée, conscientisée, une rupture est souvent brutale, fait écho à des expériences passées inachevées, pas toujours bien intégrées… Elle peut ainsi déstabiliser notre quotidien, fragiliser notre estime de soi en profondeur et nous plonger dans des émotions intenses, parfois difficiles à gérer. Pour les personnes souffrant de troubles psychiques, cette épreuve devient encore plus complexe. Une rupture peut réveiller des angoisses profondes, amplifier nos peurs, réactiver des systèmes de défense devenus peu à peu inutiles, donc destructeurs et donner l’impression qu’il n’y a plus d’issue. C’est pourquoi il est essentiel de s’accorder du temps pour se remettre, de ne pas minimiser ce qu’on ressent, et de chercher du soutien. Ce soutien peut venir de proches, de groupes d’entraide, de pairs aidants qui ont vécu des expériences similaires, ou de professionnels capables d’apporter un accompagnement adapté. Et même si l’avenir sans la personne qu’on aimait semble difficile à imaginer, il peut être plein de promesses. Une rupture, aussi douloureuse soit-elle, peut être un moment pour apprendre à mieux se connaître. Elle nous invite à réfléchir à nos besoins, à nos limites, et aux schémas qui ont marqué nos relations. Cela peut être l’occasion de comprendre ce qui compte vraiment pour nous, ce qui manque dans notre vie, et les changements nécessaires pour avancer. Avec du temps, de l’écoute, et des routines pour aller mieux, il est possible de se reconstruire et de se projeter dans un avenir où le bonheur prend une nouvelle forme.

(1) : Les prénoms ont été changés afin de préserver l’anonymat des personnes interviewées.

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La posture du sauveur : comprendre ses limites pour mieux appréhender sa relation amoureuse

Vouloir que son ou sa partenaire aille bien et tout faire pour l’aider, c’est profondément humain. Mais croire que l’on peut véritablement sauver l’autre, surtout lorsque des troubles psychiques s’en mêlent, peut se révéler illusoire et épuisant. Si la posture du sauveur est animée par une intention généreuse, il faut parfois accepter que certaines blessures ne se refermeront pas et apprendre à poser des limites, pour préserver son équilibre et permettre à l’autre d’avancer à son rythme.

Soutenir la personne qu’on aime quand ça ne va pas, c’est instinctif, évident. Mais parfois, ce besoin d’aider déborde. On ne se contente plus d’être là, on veut sauver, réparer. Cette posture du sauveur pose question : jusqu’où peut-on porter la souffrance de l’autre sans y laisser une part de soi ? Quels sont les dangers émotionnels et psychologiques qui en découlent ? Pour mieux comprendre ce qui se joue dans cette dynamique, chez Plein Espoir on est parti à la rencontre de Roxanne, Matthieu, Anaïs, Benjamin et Sarah qui ont accepté de nous raconter leur histoire (1).

Les ressorts de la dynamique du sauveur 

Roxanne croise pour la première fois le regard de Louis dans un couloir du bureau. Il sort d’une rupture difficile, et son visage, marqué par la tristesse, intrigue la jeune chargée de communication. C’est lui qui fait le premier pas, qui l’invite à dîner. Mais dès leurs premiers rendez-vous, Roxanne perçoit la faille. Louis boit plus qu’il ne parle, et ses silences sont lourds, chargés de cette détresse qu’il a du mal à masquer. Et pourtant, elle persiste. « J’avais envie de lui plaire, de le voir aller mieux. Je pensais que ce n’était qu’une mauvaise passe comme cela arrive souvent après une grosse rupture », se dit-elle, comme pour se rassurer.


Une croyance similaire guide Matthieu, étudiant en BTS graphisme, lorsqu’il rencontre Anaïs, une jeune femme qui lutte contre l’anorexie depuis l’adolescence. Attiré par son esprit vif et son humour décalé, Matthieu tombe sous son charme et il se retrouve à devenir son pilier. Dès le début de leur histoire d’amour, il s’investit et n’hésite pas à annuler ses propres projets pour être à ses côtés, espérant qu’il détient la clé pour soulager ses souffrances.


Sarah, enfin, est amie avec Benjamin depuis dix ans, ils ont l’habitude de partager des soirées et des grands éclats de rire. Quand Sarah se sépare du père de sa fille, ils commencent tous deux à se fréquenter et à tomber amoureux. Mais en partageant son quotidien, l’ami revêt un autre visage. Très vite, Sarah se rend compte que, malgré son rôle de père qu’il assume très bien et un travail très prenant, Benjamin lutte contre une addiction à la drogue. Contrairement à ce qu’elle pensait, sa consommation n’a rien d’occasionnelle et d’anodine. Benjamin cherche des réponses à son mal-être dans la consommation de substances, elle en est à présent persuadée et elle commence à douter. En même temps, s’il y a bien une personne qui peut l’aider, c’est elle. 


Dans ces trois histoires, un mécanisme insidieux semble se mettre en place : celui du sauveur. Cette posture se cache d’abord derrière une bienveillance sincère : on se dit qu’avec notre amour et nos efforts, on peut tout changer chez l’autre, l’aider à surmonter ses difficultés, voire des troubles psychiques auxquels nous ne connaissons finalement pas grand-chose. La croyance sous-jacente est simple : « C’est une noble chose à faire, un défi que je dois relever. » On s’imagine être, d’une certaine manière, « meilleures » ou plus aimables que les autres, parce qu’on se dévoue par amour. Cette dynamique, que certains spécialistes qualifient de « codépendance », place le sauveur dans un rôle où il cherche, sans s’en rendre compte, à combler lui-même un vide intérieur ou parfois même à réparer ses propres blessures. Il nous donne également un rôle, une mission qui permet de mettre de côté nos propres problématiques et d’éviter de lancinantes questions. Qui peut-on être si on n’est pas utile, mieux que ça : vital à l’autre ? Mais voilà : quand le changement qu’on espère chez son partenaire n’arrive pas, ou que les progrès alternent avec des rechutes (ce qui est souvent le cas avec les troubles psychiques), et que la reconnaissance tarde à venir, la frustration finit par s’installer. À l’inverse, un rétablissement parfois inattendu laisse dévoiler une relation déséquilibrée, où s’il l’on ne fait plus figure de sauveur, l’attrait pour l’autre s’estompe.

Un rôle qui a tendance à se répéter

Cette envie de tout résoudre, ce n’est pas nouveau pour Matthieu. Trois ans avant Anaïs, il a tout mis de côté pour son ancienne copine qui avait un trouble d’anxiété généralisée. « À la fin, je n’étais plus qu’une coquille vide », se souvient-il. L’idée de « sauver » l’autre l’a beaucoup frustré, et pourtant, avec Anaïs, il retombe rapidement dans le même piège. Il veut être celui qui fait, celui qui soigne, malgré le recul sur ses erreurs passées. Pour lui, comme beaucoup, il admet qu’il est difficile de lâcher le rôle du sauveur parce qu’il offre une illusion de contrôle et de valeur. D’un autre côté, chaque tentative de réparation fait naître une attente et une dépendance mutuelle. Souvent, le geste de sauver l’autre est illusoire parce qu’il est fait malgré lui, sans même l’interroger sur ses besoins réels, ses désirs ou ses valeurs. C’est comme forcer quelqu’un à aller en thérapie : cela n’a ni sens ni efficacité, car aucun changement ne se produit tant que l’autre n’a pas choisi de s’engager lui-même dans cette démarche.


Chez Roxanne aussi, soutenir et vouloir aider les autres est une impulsion qui remonte à l’enfance. Elle n’hésite pas à réorganiser ses journées, à offrir une oreille attentive, à prêter son canapé pour ceux qu’elle aime. Pourtant, cette dynamique n’est jamais sans retour. Les amies, une fois rétablies ou du moins apaisées, ont tendance à s’éloigner, sans gratitude ni explication, ce qui la blesse à chaque fois. Mais contrairement à Matthieu, la jeune femme refuse d’admettre qu’elle se perd dans cette posture. « Peut-être que je suis une bonne poire », dit-elle, comme pour minimiser la souffrance qu’elle endure. Ce rôle de sauveur, loin d’être un choix rationnel pour elle, répond surtout à un besoin profond d’avoir un impact positif sur l’autre. Mais, loin d’être un acte totalement vertueux, il l’empêche aussi de réaliser que son besoin de reconnaissance reste insatisfait. Alors, elle continue à donner, sans voir que cela la vide peu à peu.

Ne plus culpabiliser des blessures de l’autre

Sortir de la posture du sauveur, c’est admettre qu’on ne peut pas guérir l’autre, en tout cas pas comme on l’entend, que l’amour n’est pas une mission à accomplir et qu’il ne peut se substituer à un accompagnement extérieur. Anaïs le comprend avec Matthieu, qui, dans son élan de bienveillance, veut toujours accélérer les choses. « Depuis qu’on est ensemble, je veux qu’elle aille mieux, qu’elle dépasse ses peurs, et j’ai toujours pensé qu’en l’aidant, elle s’en sortirait plus vite », nous confie Matthieu. Pourtant, Anaïs lui a très vite fait comprendre qu’encourager quelqu’un comme elle à se battre n’était pas la meilleure chose à faire, qu’elle avait besoin de temps. Mais il n’arrive pas à l’entendre :  « Mon amoureux ne peut pas mener le combat à ma place. Et quand on me pousse trop à dépasser mes limites, je peux craquer. Il y a des jours où j’avance, et d’autres où je recule. Oui, c’est frustrant, mais c’est ma réalité. » Matthieu doit accepter une vérité fondamentale : l’amour ne consiste pas à imposer son rythme à la personne qu’on aime, mais d’abord à respecter celui de l’autre, même s’il implique des échecs et des reculs. 


Face aux troubles psychiques, vouloir sauver l’autre peut être rejeté par celui qu’on essaie d’aider. Sarah,  croyant que l’intervention de ses amis ferait réaliser à Benjamin que son addiction est un problème, se heurte à un mur. Ce rejet, souvent incompris par celui qui veut apporter son aide, plonge Sarah dans une vulnérabilité qu’elle n’avait pas anticipée. Elle ne perçoit pas immédiatement que Benjamin considère cette intervention comme une humiliation, un affront à sa dignité. Ce rejet n’est pas une réaction rationnelle, mais un mécanisme de défense face à une souffrance qu’il n’est pas encore prêt à affronter. Pour Sarah, c’est une déception amère, une prise de conscience douloureuse : il est possible que ses bonnes intentions soient perçues négativement. « Ça a été un moment très dur, je voulais être là pour lui, lui montrer que je pouvais être un vrai soutien pour lui, qu’il pouvait s’en sortir avec nous tous. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi il avait réagi comme ça et j’étais très triste », se souvient-elle.


Roxanne se retrouve elle aussi dans une situation délicate avec Louis, lorsqu’elle comprend que son état se dégrade. Elle lui suggère de consulter un professionnel, mais sa proposition est tout de suite rejetée. Louis lui reproche d’en faire trop et lui demande de s’éloigner pour respirer. Finalement, il préfère rompre avec elle et l’éviter, au point de ne plus répondre à ses messages. Ce rejet brutal laisse Roxanne désemparée, d’autant qu’elle pensait agir pour son bien. Après plusieurs mois de silence, Louis commence à aller mieux : il sort de nouveau, prend soin de lui. Lorsqu’un collègue lui apprend qu’il a rencontré quelqu’un d’autre, Roxanne se sent comme anéantie. « Il avait rejeté mon aide, alors que j’avais tout fait pour qu’il aille mieux. » Cette situation lui révèle une vérité douloureuse : son désir d’aider, même s’il est bien intentionné, ne pouvait pas s’imposer à Louis. C’est lui qui devait faire le choix de se faire aider. Roxanne se rend compte, à travers cette rupture et son rejet, que parfois, il faut savoir se retirer et respecter les limites de l’autre. Elle comprend que l’on peut être là pour quelqu’un, mais dans une certaine mesure. Ce qu’elle prend désormais en compte pour éviter de se perdre dans les problèmes des autres.

Passer du rôle du sauveur à celui de l’accompagnant

Quelques mois après la discussion avec ses amis et la rupture qui en a suivi, Benjamin propose à Sarah de prendre un café. Il commence par s’excuser pour son silence et lui avoue que prendre conscience de son addiction n’a pas été facile. « Avant, je pensais que je contrôlais tout », explique-t-il. Mais cette discussion, qu’il a vue comme une intrusion, a été le déclic. « C’était trop tôt, je n’étais pas prêt à accepter la réalité. » Après des semaines de réflexion, Benjamin a décidé de se rendre aux Narcotiques Anonymes et de faire une pause dans sa consommation pour comprendre l’ampleur de son problème. Sarah n’avait pas tort, mais il lui a fallu beaucoup de temps pour l’accepter, et ce fut douloureux. Son rejet initial de l’aide n’était pas un manque de gratitude, mais une réaction instinctive face à sa vulnérabilité. Aujourd’hui, ils sont ensemble et avancent avec un nouvel équilibre. Sarah a appris à prendre du recul et à ne plus insister sur son addiction, laissant Benjamin la gérer avec ses thérapeutes. Ils se soutiennent sans pression. Leur relation s’est renforcée, non pas par une guérison rapide, mais par la patience et le respect du rythme de chacun.


De son côté, Matthieu a choisi de prendre du recul, une décision qui l’a aidé à comprendre que son amour pour Anaïs ne devait pas être une mission de sauvetage. Après une décennie de hauts et de bas, il a compris que l’amour ne consiste pas à réparer l’autre, mais à l’accepter dans ses moments de souffrance et dans les moments plus légers. Le temps qu’il a pris pour lui, en décidant de partir marcher quelques semaines alors qu’Anaïs était hospitalisée, lui a permis de réaliser qu’il ne pouvait pas être le seul à porter le poids de la maladie. La décision de se détacher temporairement a été un acte de soin pour lui-même, et paradoxalement, cela a renforcé sa capacité à soutenir sa partenaire. Matthieu a compris que, pour que leur relation survive et qu’ils avancent ensemble, il devait prendre soin de lui. C’est ce qui lui a permis de se réinventer dans cette dynamique de couple : être présent et dans l’accompagnement sans chercher à être le sauveur.


Quant à Louis, il revient finalement vers Roxanne, après des mois de silence, avec des excuses sincères et des explications. Après leur rupture, il a consulté un professionnel, où le diagnostic de dépression chronique a été posé. En deux séances, sa vie prend un tournant, et il entame un accompagnement thérapeutique avec des résultats positifs. Il lui explique qu’il regrette d’avoir été aussi dur avec elle et reconnaît l’injustice de sa maladie envers ceux qui ont voulu l’aider. Roxanne accueille cette reconnaissance, mais l’amour qu’elle portait en elle est parti. Elle l’écoute sans chercher à raviver une relation éteinte, heureuse d’une forme de réconciliation, mais sans illusions sur ce qu’ils ont vécu. Elle sait maintenant qu’aimer ne signifie pas tout porter, surtout face à un trouble psychique. Aujourd’hui, comme ils ont décidé de rester amis, elle l’aide d’une autre manière, avec des frontières plus claires. « Je fais attention avant de trop donner », dit-elle, consciente que l’amour ne justifie pas tout sacrifice.


Au final, prendre soin de quelqu’un qui traverse des troubles psychiques est un défi complexe, qui exige une attention délicate et une capacité à poser des limites, et à reconnaître parfois que nous avons, nous aussi, besoin d’aide de professionnels, aux compétences spécifiques. Ce n’est pas une question de se mettre dans le rôle du « sauveur », de chercher à réparer ce qui échappe à notre contrôle, mais de respecter le rythme de l’autre et de comprendre que l’on ne peut pas tout changer. À travers ces expériences, Roxanne, Matthieu et Sarah ont appris à ajuster leurs attentes, à réaliser que l’amour dans sa forme la plus sereine, inclut aussi le respect des frontières de chacun. Loin d’être une forme d’abandon, ce recul devient un acte d’accompagnement, une manière de continuer à être présent sans se perdre soi-même. Si parfois le processus est lent, que c’est parfois frustrant, il permet aussi de renforcer les liens d’une manière plus juste et équilibrée. Après tout, l’amour ne réside pas nécessairement dans la guérison des blessures de l’autre, mais parfois dans la sagesse de savoir quand se retirer pour mieux soutenir la personne qu’on aime. C’est ainsi que, petit à petit, chacun trouve son propre équilibre, entre soutien, compréhension et respect. 

(1) : Les prénoms ont été changés afin de préserver l’anonymat des personnes interviewées.

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Préserver la complicité et l’amour malgré les troubles psychiques

Aimer, c’est souvent accepter de passer par des hauts et des bas. Mais lorsque les troubles psychiques s’invitent dans la relation, cet équilibre peut se fragiliser davantage. Pourtant, pour certains, ces épreuves ne brisent pas le lien, mais le renforcent, nourrissant une complicité profonde et un soutien mutuel. Alors, comment préserver l’intimité malgré les défis ? Pour mieux le comprendre,  on a décidé chez Plein Espoir d’aller à la rencontre de Kendrys, Arthur, François et Lauren…

Lorsque les troubles psychiques s’immiscent dans l’intimité et la relation amoureuse – qu’il s’agisse de dépression, d’anxiété, de bipolarité, de schizophrénie ou d’autres maux invisibles –, ils viennent parfois fissurer ce refuge, cet espace censé offrir à chacun la liberté d’être soi-même. Ce qui se joue alors, nous le connaissons bien, ça dépasse la simple dynamique des sentiments. D’un côté, il y a une personne qui peut être dépassée par des pensées complexes et avoir du mal à les exprimer clairement. De l’autre, il y a un partenaire aimant mais parfois perdu, qui hésite entre vouloir aider et devoir préserver son propre équilibre.


Dans une relation amoureuse, les troubles psychiques peuvent souvent causer des incompréhensions. Une personne en souffrance ou en crise peut instinctivement se replier sur elle-même, être d’abord incapable de mettre des mots sur ce qu’elle traverse. « Je ne savais pas quoi dire », nous confient souvent celles et ceux qui traversent ces épreuves. Un silence qui, bien que non intentionnel, peut être perçu comme un rejet, poussant l’autre à se poser la question : « Est-ce que j’en fais assez ? Est-ce qu’il ou elle veut encore de moi ? » De l’autre côté, des maladresses sont aussi fréquentes. Face à une crise d’angoisse, des remarques telles que « Calme-toi, ce n’est rien » ou « Pourquoi tu réagis ainsi ? » peuvent aggraver la détresse. Dans ces moments-là, ce dont la personne en souffrance a souvent besoin, c’est avant tout d’une présence apaisante. Un simple « Je suis là » peut suffire à désamorcer la tension.


Heureusement, avec le temps, des stratégies d’adaptation peuvent se mettre en place. L’une des plus courantes consiste à instaurer des routines claires : un moment quotidien pour partager ses ressentis ou un engagement mutuel à prévenir l’autre en cas de difficulté. Il est aussi fréquent de créer son propre langage : un mot, une phrase, ou même un emoji pour dire « J’ai besoin de toi » sans avoir à se justifier ou chercher les mots. Le vrai défi réside dans l’acceptation que la relation amoureuse, dans ce contexte, demande un travail constant. Elle requiert une attention mutuelle continue, et surtout, beaucoup de patience.

Développer son propre langage pour mieux se comprendre

L’histoire de Kendrys et Arthur illustre ces défis de manière marquante. Leur rencontre, il y a cinq ans, a eu l’intensité des grands départs : une étincelle brute, presque électrique, comme si leurs vies s’étaient suspendues pour ce moment précis. Aux premiers rendez-vous, ils ne tournent pas autour du pot. Les phrases toutes faites laissent place à des confidences sincères. Très vite, Kendrys se dévoile : sa dépression chronique, ses douleurs invalidantes. Des compagnes invisibles qui, comme des ombres, dictent leurs propres règles. Arthur écoute, sans se dérober. Il prend ces mots comme une clé, pas comme une alerte. « Quand il a prononcé le mot dépression, je savais déjà ce que ça voulait dire, nous confie-t-il. Ma mère vit avec ce trouble depuis que je suis enfant. J’ai choisi de ne pas en faire une montagne. C’était juste une donnée parmi d’autres. Pour moi, ce qu’on partageait me semblait plus grand que tout. » 


Mais, comme dans toute histoire, la magie initiale ne suffit pas, et la réalité s’impose rapidement. Arthur n’est pas toujours là quand son compagnon a besoin de lui et de son côté, Kendrys, a du mal à verbaliser ses émotions et ses besoins. Une nuit, submergé par un mal-être, Kendrys envoie un message à Arthur pour lui dire qu’il ne va pas bien. Ce dernier qui est sorti avec des amis, voit le message mais ne mesure pas l’urgence de la situation. Il rentre bien plus tard, au milieu de la nuit, et trouve Kendrys les yeux gonflés, allongé sur le canapé. À l’image de cette soirée, les maladresses s’accumulent, les tensions éclatent parfois, mais elles finissent toujours par ouvrir une porte. Kendrys se rend compte rapidement qu’avec Arthur, il faut souvent répéter, faire preuve de pédagogie et de patience. Au début, Kendrys le vit mal. Répéter, pour lui, c’est comme admettre qu’il n’est pas entendu. Mais avec le temps, il comprend que c’est un exercice nécessaire, une manière de traduire ce qui semble évident dans son esprit. Une manière surtout de rendre compte de ses besoins.


Ce travail de communication implique un autre effort tout aussi important : sortir du silence imposé par le trouble. Quand il va mal, Kendrys a tendance à se replier sur lui-même. Une fois, après une journée particulièrement éprouvante, il est incapable de répondre aux sollicitations d’Arthur. Ce dernier, d’abord inquiet, finit par lui dire : « Je ne sais pas quoi faire quand tu es comme ça. Tu veux que je reste ? Que je parte ? Aide-moi à comprendre. » Cette question, simple en apparence, pousse Kendrys à réfléchir. Il se rend compte qu’il a besoin de deux choses contradictoires : être entouré sans être envahi, et parfois, juste être seul. Ils mettent alors en place un système de communication clair. Quand Kendrys ressent le besoin de s’isoler, il le dit, et Arthur, de son côté, apprend à respecter ces moments sans les prendre pour un rejet. Ils avancent ainsi, avec des mots parfois maladroits et des efforts pour mieux se comprendre. « Ce n’est pas parfait, résume Kendrys. Mais au moins, on essaye. »

Savoir mettre en place une grille de lecture de compréhension

De leur côté, Lauren et François, en couple depuis douze ans, ont traversé des tempêtes silencieuses avant de comprendre ce qui pesait sur leur relation. Pendant sept ans, les symptômes restent flous, sans explication précise. Lauren souffre d’anxiété extrême, de crises de panique et d’un isolement progressif. Parfois, elle entend des voix comme des murmures. François se retrouve face à une compagne qu’il ne reconnaît plus, sans savoir comment l’aider. « C’était comme si elle se battait contre quelque chose que je ne pouvais ni voir ni comprendre », nous explique-t-il. Le diagnostic de schizophrénie, posé après des mois de consultations et des allers-retours entre médecins, a marqué un tournant. Pas un soulagement, mais une clé pour comprendre ce que Lauren vit. « Mettre un nom sur ce mal, c’était déjà un début », raconte François. 


Après le diagnostic, les premières années sont marquées par des épisodes particulièrement difficiles. Les périodes de calme sont interrompues par des crises où Lauren s’isole. « Je pouvais rester des jours sans sortir de notre chambre, paralysée par la peur d’un danger qui n’existait pas. Pendant ce temps, François tentait de me parler, mais je n’entendais rien », nous explique-t-elle. Petit à petit, ils construisent ensemble des stratégies adaptées. Ils fixent des règles simples mais cruciales : en cas de crise, Lauren envoie un message à François, même si c’est juste pour écrire « Je ne vais pas bien ». François, de son côté,  apprend à ne pas insister  quand elle a besoin de solitude. Ils ont aussi des rendez-vous réguliers avec un thérapeute, pour mieux comprendre le trouble et pouvoir chacun exprimer ce qu’il vit.


Parfois, Lauren se sent coupable de ce que sa maladie impose à leur couple. François, lui, apprend à ne pas tout prendre sur lui : « J’ai dû accepter que quoi qu’il se passe, le trouble serait toujours là, mais que dans les bons comme dans les mauvais moments, j’aurais toujours ma place à côté d’elle. » Aujourd’hui, leur quotidien est loin d’être parfait, mais ils avancent. Lauren suit un traitement qui aide à stabiliser certains symptômes, même si certains jours sont encore difficiles. François sait qu’il doit aussi penser à lui, et il prend régulièrement du temps pour se ressourcer. 

Des épreuves qui renforcent le lien

Plus que l’amour, ce qui distingue une relation amoureuse face aux troubles psychiques, c’est l’intensité des épreuves qu’elle traverse. Une journée difficile peut en entraîner d’autres, laissant l’horizon incertain. Pourtant, au cœur de cette instabilité, une nouvelle forme d’intimité peut émerger. Elle se construit sur l’apprentissage du trouble, des efforts constants, des gestes simples mais essentiels, et de la vigilance. Cette intimité devient alors une source de solidité, mais elle a un prix :  elle est parfois épuisante.


Cette réalité, Kendrys et Arthur l’ont affrontée dans toute sa brutalité. À peine un an après leur rencontre, Kendrys retombe dans ses démons. Une rechute brutale, marquée par deux tentatives de suicide en l’espace de quarante-huit heures. Arthur, désemparé, raconte : « Quand tu es amoureux, que tu vas bien, et que tu n’as jamais vécu ça, c’est un choc. Comment quelqu’un que tu aimes, et qui t’aime, peut aller si mal qu’il veut disparaître ? » Il marque une pause, cherche les mots justes. « Il faut du temps pour comprendre que ce n’est pas une question d’amour. Que l’amour, aussi puissant soit-il, ne peut pas tout réparer. »


De son côté, François n’oubliera jamais cette nuit où Lauren, submergée par le désespoir, s’est tenue au bord de la fenêtre, prête à sauter. « Je me souviens de ses mots : elle répétait qu’elle voulait juste que ça s’arrête, se rappelle François. J’ai réussi à l’éloigner, mais cette nuit-là, j’ai compris que je ne pouvais plus gérer seul. » Lauren a été hospitalisée pendant un mois. Une période difficile, mais nécessaire, selon François. « Au début, c’était un mélange de culpabilité et de soulagement. Culpabilité de ne pas avoir vu les signes avant qu’elle en arrive là, et soulagement de savoir qu’elle était prise en charge par des spécialistes. » Pendant cette hospitalisation, François a découvert la solitude du partenaire. « On ne sait pas quoi faire, ni à qui parler. Les amis ne comprennent pas toujours, et tu n’as pas envie de tout leur raconter. Pourtant, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à poser des mots sur ce qu’on vivait. »


Depuis le retour à la maison de Lauren, François a appris à reconnaître les cycles. « Parfois, ça va mieux, et puis une rechute arrive. Ce n’est pas linéaire, et c’est dur de ne pas sombrer soi-même dans cette instabilité. » Mais ce qui l’a le plus marqué, c’est la nécessité de distinguer la maladie de la personne. « La schizophrénie semble partout, elle envahit tout, mais ce n’est pas Lauren. Elle est bien plus que ça, même si c’est difficile à voir dans les pires moments. » Avec le temps, François a trouvé un réel équilibre, fruit d’un effort constant. « Ce n’est jamais simple, mais ça nous a rapprochés d’une manière que je n’aurais jamais imaginée. On apprend à grandir ensemble, malgré tout et aujourd’hui, il est impossible d’imaginer ma vie sans elle. »

Continuer d’avancer à deux

Les relations amoureuses confrontées aux troubles psychiques ne suivent pas les chemins classiques, s’éloignant des récits où tout semble aller de soi. Elles avancent sur un fil tendu, où chaque pas demande un effort, presque instinctif. Mais, dans cette marche hésitante et parfois semée d’obstacles, elles découvrent une profondeur insoupçonnée.


Les épreuves transforment. Elles  poussent à se réinventer, à créer un nouveau langage, à redéfinir l’amour non plus comme un refuge fixe, mais comme une œuvre en  constante évolution. Cet amour-là n’est ni simple ni évident, mais il porte en lui une vérité  brute, une humanité sincère et une intimité qui grandit dans l’ombre des tempêtes. Ce n’est pas la promesse d’une vie sans difficultés, mais celle d’un chemin qui se construit pas à pas, main dans la main. Et, même lorsque les jours sont sombres, ce lien qui se tisse parfois dans la lutte devient une force rare, une lumière qui  guide ceux qui osent s’y engager.

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Se rétablir à deux : la relation amoureuse comme espace d’épanouissement

Face aux troubles psychiques, la relation amoureuse peut parfois devenir un refuge inattendu, un espace où la bienveillance et la compréhension redessinent les contours du quotidien. Avec Julien, Julia, diagnostiquée à 20 ans d’un trouble anxieux généralisé, découvre que si l’amour ne répare pas tout, il peut rendre les douleurs plus supportables, les ombres moins pesantes. Convaincus chez Plein espoir que celles et ceux qui traversent ces réalités en parlent le mieux, nous lui laissons la parole pour nous raconter son histoire.

Depuis plus de dix ans, je vis avec un trouble anxieux. Une présence silencieuse mais envahissante, qui s’invite dans tous les recoins de mon quotidien. Les attaques de panique surgissent sans prévenir, souvent dans les transports en commun ou quand la fatigue est trop importante. Avec le temps, elles ont commencé à redessiner les contours de ma vie, à limiter mes choix, à rétrécir mon monde. Mon travail doit être proche de chez moi. Chaque sortie avec des amis se transforme en un exercice de planification minutieuse : Comment me rendre au restaurant ? Dans quel quartier ? Est-ce qu’il y a une échappatoire si une crise survient ?


Pour rester dans le monde, j’ai appris à faire semblant. Non pas parce que je ne fais pas confiance à mes proches, mais parce que la peur du jugement est très prégnante. Je ne veux pas que mon trouble définisse mon identité, que les autres ne voient plus que cela en moi. Alors, je m’excuse, je décline, j’invente des raisons. C’est plus simple que d’expliquer. Le trouble psy reste encore tabou et en amour, c’est très compliqué. J’ai toujours eu cette crainte que l’autre me perçoive comme « celle qui ne va pas bien », qu’il s’éloigne ou, pire, qu’il reste, mais avec ce regard de pitié que je redoute tant. Alors, j’ai pris l’habitude de tout garder pour moi, de ne pas vraiment m’ouvrir aux autres.


Quand je rencontre Julien lors d’une soirée d’anniversaire, je le vois comme une grande bouffée d’air. Il est tout ce que je ne suis pas : audacieux, effronté, casse-cou. Même si son travail humanitaire l’amène à affronter des situations extrêmes, il avance avec une grande sérénité.

Enfin oser se montrer avec ses vulnérabilités 

À son contact, il se passe quelque chose d’inattendu. Je ne veux plus que mes peurs continuent de prendre le contrôle de ma vie, qu’elles nous enferment dans les limites que je connais déjà si bien. Alors, même si je suis terrifiée, je commence à bouger, à essayer autre chose. Un rendez-vous à une heure de chez moi ? J’accepte, même si je dois respirer profondément tout le long du trajet et que mes mains suent sur la barre du métro. Une soirée dans une boîte de nuit bondée ? Je me lance, au pire, il me ramènera. Sa présence suffit à apaiser cette petite voix en moi qui répète sans cesse : « Et si ? »


Les mois passent, et un jour, je m’arrête pour regarder en arrière. Je réalise tout ce que j’ai osé faire, des choses qui me semblaient impossibles. Bien sûr, je ne suis pas « guérie ». Dans mon sac, il y a encore des médicaments prêts à m’aider si ma respiration s’emballe et que cette impression d’être piégée revient. Mais je n’ai plus peur de mourir à cause d’une crise.


Après, il y a toujours un mur entre Julien et moi. Une part de moi qu’il ne connaît pas encore. Chaque matin, je me cache pour prendre mes médicaments, comme si j’essayais d’effacer ce qu’ils représentent. L’amour qui grandit entre nous me fait penser que je peux peut-être lui en parler. Peut-être que lui comprendrait. Peut-être que, cette fois, il est possible de me dévoiler totalement, avec tout ce que cela implique. Alors, un soir, je prends une grande inspiration et je lui dis que j’ai un trouble anxieux pour lequel je suis suivie depuis plusieurs années et que je prends des médicaments chaque jour. 


Il est surpris. Il me dit qu’il n’aurait jamais imaginé tout ce qui se jouait derrière mes silences et certains de mes gestes. Avec nos amis, je garde toujours le même verre de vin à la main, souriante, pendant que les autres enchaînent les tournées. Quand la peur monte, je mâche frénétiquement des chewing-gums pour réguler ma respiration, comme si ce simple mouvement pouvait remettre de l’ordre dans mon chaos intérieur. Lors de nos voyages, je m’accroche à mes exercices d’auto-hypnose ou je plonge dans des grilles de mots-fléchés, un refuge mental pour ne pas penser à la possibilité, pourtant infime, d’un danger imminent.

L’intimité, un chemin vers la guérison

Quand je lui parle, il prend le temps de m’écouter. Vraiment. Julien ne rit pas, il ne change pas de sujet, il ne fuit pas. Mais je comprends qu’il minimise mon état. Pas par méchanceté ou par manque d’intérêt, mais peut-être par maladresse, ou parce que lui, qui n’a peur de rien, a du mal à concevoir l’ampleur de ce que je vis. Il me lance des phrases comme : « Tu n’es pas malade, tu es juste un peu stressée, ça arrive à tout le monde, non ? » Même si je ne suis pas vraiment comprise, ce n’est pas grave. Je ne suis pas rejetée et c’est le plus important. Peut-être parce que son ton est bienveillant, peut-être parce qu’il ne cherche pas à me réparer. Pour lui, ce trouble n’est ni un obstacle, ni un fardeau, c’est simplement une part de moi. Une part qu’il accepte malgré tout. 


C’est là que je découvre une vérité essentielle : l’amour ne guérit pas, mais il peut être un espace sûr, un lieu où l’on trouve la force de se reconstruire, pas à pas. Avec Julien, j’apprends que l’intimité peut être réparatrice. Il accepte ma vulnérabilité, et peu à peu, cela m’aide à m’accepter un peu plus. Depuis très longtemps, je ne suis plus en guerre contre moi. Je ne me déteste plus. 


Dans nos moments de tendresse, je puise un réconfort qui m’apaise plus qu’aucun médicament ou aucune séance chez le psy. Nos rituels – lui qui me tient la main dans les moments où je suis envahie par la peur, moi qui l’aide à relire ses dossiers pour son travail – sont devenus des ancrages, des gestes simples mais essentiels. Son écoute sans jugement et sa patience m’ont offert une chose précieuse : le sentiment que je n’étais plus seule dans ce combat.


Quand je traverse des périodes difficiles, parce que ça m’arrive encore, Julien ne me force pas à sortir. Il est simplement là. Il prépare des plats que j’aime, il raconte des blagues pour alléger l’atmosphère, et il prend sur lui les excuses pour nos amis, affirmant que c’est de sa faute si on ne peut pas venir. Il rassure aussi ma famille, les préserve de mes angoisses, et me protège de tout un tas de questions stressantes. Il a su instaurer un équilibre, apaiser les tensions sans jamais me faire sentir coupable de ce que je vis.

L’amour peut être un refuge où l’on apprend à faire la paix avec soi

Grâce à lui, j’ai compris qu’une relation saine et stable était possible et surtout qu’elle pouvait devenir un refuge, un espace où l’on dépose ses armes, où l’on apprend à respirer autrement. Sa manière d’accueillir mes failles sans chercher à les combler, de répondre à mes silences par des gestes simples mais lourds de sens, m’apaisent. Avec lui, l’amour n’a rien d’un remède magique. Il est un terreau, patient et fertile, où, doucement, on reprend racine.


Même si je ne fais presque plus de crise, je sais que je ne suis pas « guérie ». Les ombres sont toujours là, tapis dans un recoin de mon esprit, prêtes à surgir. Mais les périodes de tempête sont de moins en moins violentes. Peut-être est-ce la stabilité émotionnelle qu’il m’offre, ou simplement cette certitude d’être aimée telle que je suis, sans condition. Cela me donne la force de remonter la pente plus vite, de retrouver la lumière. Après, je sais que tous les troubles ne se ressemblent pas, que chacun impose ses propres défis à ceux qui les partagent. Et je sais aussi que tout le monde n’a pas la chance de croiser quelqu’un comme mon fiancé, d’une patience et d’une douceur infinies.


Mais peut-être qu’il en va ainsi : lorsque l’on porte en soi un trouble, on s’attarde davantage, on prend le temps de chercher, de scruter les cœurs, de distinguer ce qui est vrai de ce qui brille faussement. Si cette démarche, exigeante et semée d’obstacles, demande courage et lucidité, elle en vaut la peine. Parce que, lorsque cette personne entre enfin dans notre vie, elle peut, par sa seule présence, repousser les murs de nos peurs et nous inviter à voir le monde sous un jour que l’on croyait perdu.

NB : Les prénoms ont été changés afin de préserver l’anonymat des personnes interviewées.

Vous souhaitez en savoir plus et rencontrer d’autres personnes engagées dans le rétablissement ? Rejoignez les réseaux sociaux de Plein Espoir, le média participatif dédié au rétablissement, créé par et pour les personnes vivant avec un trouble psychique.


Cet espace inclusif est une initiative collaborative ouverte à toutes et tous : personnes concernées, proches, et professionnels de l’accompagnement. Vos idées, témoignages, et propositions sont les bienvenus pour enrichir cette aventure. Contribuons ensemble à bâtir une société plus éclairée et inclusive.

Comment prendre soin de notre santé mentale au travail ?

Le travail et la santé mentale sont deux notions clés de notre quotidien, essentielles pour chacun de nous mais parfois complexes à définir et à équilibrer. Lorsque l’on parle de travail ici, on ne se limite pas au salariat ; on inclut aussi le bénévolat, le travail indépendant, ou encore le soutien à un proche. En somme, travailler, c’est avant tout se mettre en mouvement, en activité. C’est trouver un moyen de contribuer à la société, de se réaliser, et de trouver un équilibre. La santé mentale, quant à elle, repose sur la recherche de cette harmonie entre les ressources dont on dispose dans la vie et les obstacles que l’on rencontre. Maintenir cet équilibre, particulièrement dans le contexte professionnel où les pressions peuvent être fortes, les règles et hiérarchies parfois obscures, et la séparation entre les enjeux personnels et professionnels, artificielle, est un enjeu majeur.


Si le travail est souvent perçu comme une source de réalisation et de stabilité, il peut rapidement se transformer en un facteur de stress et de pression intense, mettant en danger notre santé mentale. Prendre conscience de l’impact profond que le travail peut avoir sur notre équilibre mental est une étape cruciale pour mieux en prendre soin. Préserver cette harmonie n’est donc plus un simple choix, mais une nécessité pour chacun de nous, que l’on vive avec un trouble psychique ou que l’on cherche à affronter les exigences croissantes du monde professionnel.

S’entraîner à reconnaître les signes de surcharge et adopter les bons réflexes

Les signes de la détérioration de notre santé mentale au travail peuvent être subtils et s’installer sans qu’on s’en aperçoive. Un manque d’énergie persistant, des sautes d’humeur, ou une baisse de motivation peuvent s’accumuler jusqu’à rendre notre quotidien difficilement supportable. Pour certaines personnes, la fatigue, parfois intense, ne disparaît pas après une nuit de sommeil ou un week-end de repos. Elle persiste et peut s’accompagner d’irritabilité ou de difficultés de concentration.


Ces premières alertes ne doivent pas être ignorées ou minimisées. Elles doivent être considérées pour ce qu’elles sont : des signes avant-coureurs de notre épuisement professionnel. Il est donc essentiel pour chacun de nous de reconnaître ces changements, d’adopter les réflexes nécessaires pour se préserver et savoir prendre du recul quand cela est nécessaire. Un regard attentif sur nous-même, quand nous en avons la capacité, peut nous aider à repérer les moments où le travail devient une source de souffrance plutôt que d’épanouissement, et à en parler rapidement autour de nous.

Des participants durant les Ateliers du rétablissement en Santé mentale IDF ©️Maxime Gruss pour Santé mentale France

Tenter de mettre en place des routines pour nous protéger

Instaurer une routine quotidienne peut nous aider à contrer les effets du stress en apportant un sentiment de contrôle sur notre environnement. Prendre des pauses régulières pour s’éloigner de l’écran ou des tâches en cours peut sembler anodin, mais ces moments de déconnexion sont précieux pour nous aider à réduire la pression et prendre du recul. Une simple marche, quelques exercices de respiration, ou une pause pour écouter de la musique calme peuvent également nous aider à transformer l’ambiance de travail et diminuer les tensions et les émotions qui nous traversent.


Se fixer des limites claires entre vie professionnelle et personnelle est également un levier essentiel pour préserver notre santé mentale. S’accorder des moments où l’on ne consulte ni emails professionnels ni dossiers de travail est une manière de respecter sa vie privée et son bien-être. Cela signifie, par exemple, savoir fermer son ordinateur en fin de journée et s’orienter vers des activités de loisirs et de détente. Ces pratiques contribuent à réduire l’anxiété et à empêcher que le travail n’envahisse la sphère personnelle. Le droit à la déconnexion a, par ailleurs, été récemment reconnu par la Cour de Cassation et est à présent ouvertement consacré par le Code du Travail.

Savoir mettre sa santé en priorité, c’est la base de la réussite dans le milieu professionnel. Sans ça, le risque de décrochage et de perte d’emploi devient de plus en plus important. Thibault – journaliste et personne concernée

Organiser notre espace de travail pour diminuer la tension

Un espace de travail bien organisé joue un rôle essentiel, souvent sous-estimé, dans notre bien-être mental. Des études montrent que l’environnement influe directement sur notre humeur et concentration. Par exemple, un bureau encombré, un éclairage inadéquat ou une mauvaise ergonomie peuvent rapidement devenir des sources de tension et des points de fixation. À l’inverse, un espace bien aménagé peut améliorer de façon significative notre état d’esprit.


Pour aménager un environnement de travail favorable à notre santé mentale, quelques gestes simples peuvent suffire : optimiser l’éclairage, adapter le mobilier pour plus de confort, introduire des plantes… Ce soin apporté à notre espace « à nous » contribue à créer une atmosphère de travail sereine et propice à notre équilibre.

Apprendre à gérer notre stress au quotidien

Le stress est quasi inévitable dans le monde du travail, mais il peut être canalisé pour ne pas devenir une source de souffrance et d’empêchement. Apprendre à prioriser et à organiser les tâches permet de réduire les risques d’accumulation de travail de dernière minute et d’éviter le sentiment de submersion que l’on peut parfois ressentir. Concrètement, cela implique de co-définir avec son manager des objectifs réalistes, de répartir les tâches dans le temps, et surtout de reconnaître nos limites en acceptant que tout ne peut pas être accompli instantanément.


Parmi d’autres, la méthode Pomodoro est une technique de gestion du temps, qui consiste à travailler par intervalles de 25 minutes suivies de courtes pauses. Ce rythme aide à maintenir notre concentration tout en prévenant la fatigue mentale. Ces techniques permettent non seulement de maintenir un niveau d’activité constant, mais aussi de préserver un équilibre mental en évitant l’épuisement. Bien qu’il ne soit pas toujours facile de s’y tenir, ce type de méthodes peut être inspirant pour chercher à nous structurer.

Nos relations sociales : un soutien essentiel au travail, tout comme chez nous !

Prendre du recul, seul, est parfois une bonne solution pour nous soulager de pressions sociales importantes, y compris au travail. Mais l’isolement prolongé peut aggraver la détérioration de notre santé mentale si ce recul n’est pas bien géré et s’il devient repli. Les interactions avec les collègues, même informelles, jouent un rôle précieux car elles nous apportent un soutien moral. Il est important de le rappeler. Partager un café, échanger sur un projet, ou même discuter entre deux réunions sont autant d’occasions de tisser des liens et de renforcer notre réseau de soutien.


Ces moments informels nous aident à briser le sentiment de solitude, à partager des expériences, et à nous sentir entouré dans un univers parfois compétitif et aux enjeux complexes. Rechercher des moments simples et de convivialité, participer à des activités de groupe, et établir des relations de confiance sont des pratiques essentielles pour se sentir intégré et soutenu. À chacun de nous ensuite d’expérimenter les différents scénarios qui s’offrent alors (activités en groupe ou en binôme avec un collègue, choix d’une salle plutôt qu’une autre, etc.).

Oser demander de l’aide… sans hésiter

Préserver notre santé mentale implique parfois d’apprendre à demander de l’aide. Cela n’a rien à voir avec de la faiblesse, au contraire, c’est une démarche proactive et une preuve de responsabilité envers nous-même. Faire appel à un professionnel de santé mentale peut nous offrir un soutien précieux. Des consultations et des échanges avec les bons acteurs aident souvent à voir les situations sous un angle différent, à réduire les tensions accumulées, et à découvrir des outils pour mieux gérer nos défis quotidiens.


Des acteurs comme le Psycom, organisme public d’information sur la santé mentale ou le Centre Ressources de notre région (les « Crehpsy » – le Céapsy pour l’Île-de-France) peuvent nous aider à nous orienter dans notre recherche et trouver les acteurs adéquats à notre situation.


À noter : certaines entreprises mettent en place des programmes d’aide aux employés (PAE), incluant par exemple des consultations avec des professionnels, des ateliers pratiques, et des formations pour les managers. Ce type de dispositifs instaure un climat de travail bienveillant et inclusif, et sont des ressources importantes pour celles et ceux qui ressentent le besoin de se confier ou d’être accompagnés.

Plaçons la santé mentale au cœur de notre vie professionnelle

Chercher à préserver sa santé mentale au travail n’est pas une tâche ponctuelle ; c’est un engagement quotidien et sur la durée, un équilibre à cultiver et à ajuster en permanence. En mettant en place des outils pratiques, en créant un environnement propice à la concentration et à la sérénité, et en renforçant nos liens sociaux, il est en tout cas possible de favoriser un climat sain dans notre cadre professionnel.

Chez Plein Espoir, nous croyons en un environnement de travail où chacun peut s’épanouir, et nous nous engageons à promouvoir des pratiques et des solutions qui mettent la santé mentale au centre des préoccupations. Au-delà des objectifs et des résultats, la santé mentale des individus reste la clé d’un parcours professionnel durable.


Vous souhaitez en savoir plus et rencontrer d’autres personnes engagées dans le rétablissement ? Rejoignez les réseaux sociaux de Plein Espoir, le média participatif en plein développement, dédié au rétablissement des personnes concernées par les troubles psychiques.


Cet espace inclusif est une initiative collaborative ouverte à toutes et tous : personnes concernées, proches, et professionnels de l’accompagnement. Vos idées, témoignages, et propositions sont les bienvenus pour enrichir cette aventure. Contribuons ensemble à bâtir une société plus éclairée et inclusive.

La RQTH comme levier de rétablissement et d’inclusion au travail

En France, près de 12 millions de personnes vivent avec un trouble psychique, selon l’Organisation Mondiale de la Santé. Pour ces personnes, le parcours professionnel peut s’avérer particulièrement complexe, en raison de la nécessité de concilier stabilité économique et préservation de leur santé mentale. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), délivrée par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), constitue une réponse à cette situation. Plus qu’un simple statut administratif, la RQTH peut devenir un véritable levier de rétablissement, permettant à chaque personne concernée de bénéficier de droits, de protections et de soutiens adaptés à sa santé mentale.

Pourquoi demander la RQTH ? Les bénéfices au quotidien

Obtenir la RQTH permet aux personnes concernées d’accéder à une série de droits spécifiques et d’aménagements de poste qui facilitent leur inclusion professionnelle. Ces aménagements peuvent inclure des horaires flexibles, des pauses supplémentaires, ou des aménagements ergonomiques pour adapter le lieu de travail à leurs besoins. En France, les troubles psychiques représentent 23 % des handicaps reconnus par la MDPH, ce qui souligne l’importance de ce dispositif pour des milliers de travailleurs. Grâce à la RQTH, beaucoup peuvent ainsi concilier plus facilement leur vie professionnelle et la gestion de leur santé. Ce statut facilite également le dialogue avec l’employeur, en offrant un cadre administratif reconnu pour discuter des besoins spécifiques.


Selon une étude de Santé Publique France, 68 % des personnes vivant avec un trouble psychique affirment que des ajustements de poste ont amélioré leur bien-être au travail. Par ailleurs, 64 % estiment que la RQTH a significativement réduit le stress lié à leur emploi. Cette reconnaissance garantit un accès sécurisé à des aménagements adaptés, tout en protégeant les droits des travailleurs, notamment en matière de prévention des discriminations.


La RQTH peut également offrir des solutions concrètes pour mieux gérer les périodes de vulnérabilité. Par exemple, elle ouvre l’accès à des dispositifs de soutien psychologique au sein de l’entreprise, tels que des consultations avec des psychologues ou des coachs spécialisés. La RQTH facilite également l’accès à des dispositifs et structures spécialisés dans l’insertion professionnelle, rendant possible une recherche d’emploi adaptée ou une réorientation professionnelle dans des conditions optimales. Des acteurs tels que La Fondation Falret et l’Association Messidor accompagnent les personnes concernées dans la gestion de leurs parcours, en leur fournissant des conseils éclairés pour mieux comprendre leurs droits, leurs démarches et les ressources à leur disposition.

Congrès Réh@b 2024 ©️ Maxime Gruss pour Santé mentale France

Un processus en faveur du rétablissement

La RQTH n’est pas simplement un statut administratif : elle marque le début d’un processus d’acceptation et de « gestion » du trouble psychique. Obtenir cette reconnaissance peut être perçu comme un choc au départ, mais elle peut ouvrir la voie à une meilleure prise en charge et à un chemin de rétablissement durable. Cette démarche permet à chaque personne de mieux intégrer ses limites et fragilités dans son quotidien, tout en bénéficiant de soutiens adaptés. Au fil du temps, ce processus peut devenir une source d’empowerment et d’autonomisation, en permettant de mieux gérer les défis du parcours professionnel sans sacrifier sa santé mentale.

La RQTH, c’est comme une carte joker qui permet d’avoir un atout supplémentaire en cas de besoin. On n’est pas contraint de la montrer tout le temps, mais savoir qu’elle est là, en cas de besoin, peut déjà être un grand soulagement. Maxime M – vidéaste et personne concernée

Les démarches à suivre pour obtenir la RQTH

Bien que la démarche administrative puisse sembler complexe, elle est bien encadrée et permet d’obtenir des soutiens précieux.


La demande se fait auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) et nécessite la constitution d’un dossier, comprenant notamment un formulaire spécifique et un certificat médical détaillant les effets du trouble sur la vie quotidienne et professionnelle. Le traitement de la demande peut prendre plusieurs mois, et la RQTH est valide pour une durée déterminée, renouvelable.


Les démarches sont disponibles en ligne sur le site de la MDPH, et des guides pratiques sont proposés par des organismes comme Psycom pour aider à la préparation du dossier.

Une démarche de reconnaissance, pour un parcours de rétablissement durable

Obtenir la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est un choix personnel et une démarche importante. Pour ceux qui vivent avec un trouble psychique, cette reconnaissance peut offrir un accès à des aménagements essentiels, permettant de mieux gérer le quotidien, de renforcer l’estime de soi et de construire une carrière tout en préservant leur santé mentale. Toutefois, il est important de se faire accompagner par un professionnel pour déterminer si cette démarche est adaptée à sa situation. Un soutien personnalisé peut aider à évaluer les bénéfices potentiels pour sa situation et à s’assurer que la RQTH répond véritablement à ses besoins spécifiques.

Chez Plein Espoir, nous croyons en un environnement de travail où chacun peut s’épanouir, et nous nous engageons à promouvoir des pratiques et des solutions qui mettent la santé mentale au centre des préoccupations. Au-delà des objectifs et des résultats, la santé mentale des individus reste la clé d’un parcours professionnel durable.


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Milieu ordinaire & milieu protégé : quelle différence ?

Dans le film The Truman Show, le personnage de Truman (interprété par Jim Carrey, acteur lui-même concerné par les troubles bipolaires) vit dans un monde méticuleusement façonné pour le protéger, une bulle de sécurité conçue pour le maintenir à l’abri des dangers extérieurs. Au fil du temps, Truman commence à percevoir cette bulle non plus comme un refuge, mais comme une prison dorée, se demandant s’il peut vraiment exister au-delà de cet environnement contrôlé. Pour beaucoup d’entre nous, particulièrement ceux concernés par des troubles psychiques, cette métaphore résonne. Si la sécurité et l’accompagnement offrent un certain confort et rassurent, ils soulèvent aussi des interrogations sur l’autonomie, l’épanouissement personnel et la liberté.

Aussi lorsqu’une personne qui vit avec un trouble psychique doit choisir entre milieu protégé et milieu ordinaire pour travailler, elle doit quelque part trouver un équilibre entre la sécurité (pour éviter les risques de stress ou de rechute), l’indépendance (pour s’affirmer professionnellement) et son bien-être (en fonction de ses besoins et de ses capacités).

Un milieu protégé désigne un environnement adapté où les personnes bénéficient d’un soutien renforcé, d’un cadre structuré et d’une protection contre des défis extérieurs potentiellement trop stressants ou risqués. Il peut s’agir de structures spécialisées, de dispositifs d’accompagnement ou de lieux de travail adaptés.

Un milieu ordinaire fait référence à un environnement plus ouvert et intégré, tel qu’un lieu de travail classique, qui n’est pas spécifiquement conçu pour répondre aux besoins particuliers des individus, mais qui peut, malgré tout, leur offrir des opportunités d’épanouissement. 


Le choix entre ces deux types de milieux de travail implique de se questionner sur la manière dont on peut préserver sa santé mentale, composer avec sa singularité tout en cherchant à s’épanouir et à être inclus dans la société. La véritable question devient alors : comment trouver un juste milieu qui permette de concilier ces aspects ? Comment, encore une fois, parvenir à l’équilibre ?

Milieu ordinaire : une intégration dans le monde du travail classique

Une participante aux Ateliers du rétablissement en santé mentale IDF 2024©️ Maxime Gruss pour Santé mentale France

Travailler en milieu ordinaire signifie intégrer un environnement professionnel standard, comme une entreprise privée, une administration publique ou toute autre organisation qui, par défaut, ne propose pas de mesures spécifiquement adaptées aux besoins de ses salariés. Cependant, pour les personnes en situation de handicap, des dispositifs comme la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) peuvent permettre d’obtenir des adaptations même dans ce contexte. Ces ajustements incluent par exemple : des horaires aménagés, des équipements ou espaces de travail adaptés, un accompagnement personnalisé pour répondre aux besoins spécifiques de la personne. Ces mesures visent à rendre le milieu ordinaire plus accessible et à limiter les obstacles pouvant freiner l’inclusion.


Cependant, il est important de souligner que tous les individus vivant avec un trouble psychique ne disposent pas de la RQTH. De plus, même lorsque des aménagements sont accordés, le milieu ordinaire peut rester exigeant :


  • La cadence de travail et la pression liée aux objectifs professionnels peuvent engendrer un stress difficile à gérer.
  • Les interactions fréquentes avec les collègues et l’environnement social du travail peuvent être éprouvantes pour certaines personnes, même dans des équipes bienveillantes.


C’est pourquoi il est essentiel de prendre le temps d’évaluer ses capacités, ses limites et ses besoins avant de s’engager dans un poste en milieu ordinaire. Ce choix doit être mûrement réfléchi et intégré dans un parcours global de rétablissement, en tenant compte des ressources et des soutiens nécessaires pour préserver à la fois son bien-être et son efficacité professionnelle.

Milieu protégé : un espace de soutien renforcé pour un travail adapté

Le milieu protégé, se distingue par un accompagnement renforcé et un cadre de travail spécifiquement adapté aux personnes en situation de handicap, notamment celles vivant avec des troubles psychiques ou des difficultés importantes.

Les Établissements et services d’aide par le travail (ESAT), par exemple, sont des structures destinées aux personnes en situation de handicap reconnues inaptes, temporairement ou durablement, à travailler en milieu ordinaire. Ils offrent un cadre de travail protégé associé à un accompagnement médico-social. Ces établissements permettent de concilier activité professionnelle, développement personnel et soutien adapté, grâce à une équipe pluridisciplinaire composée de moniteurs d’atelier, de travailleurs sociaux, de psychologues, et de chargés d’insertion.


Pour accéder à un ESAT, il est nécessaire d’être reconnu en situation de handicap par la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) et d’obtenir une orientation milieu protégé via la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH). Une fois cette étape franchie, les personnes peuvent directement prendre contact avec un ESAT pour envisager une intégration.


Le travail en ESAT ne se limite pas à l’exécution de tâches professionnelles : il vise également à faciliter une réinsertion progressive dans la vie socio-professionnelle tout en préservant la santé mentale et le bien-être des individus. Le rythme de travail est aménagé, les tâches sont adaptées, et des services de soutien sont proposés pour répondre aux besoins spécifiques. Par exemple, une personne vivant avec un trouble schizophrénique peut y trouver un environnement structurant et moins stressant, propice à son épanouissement.


En parallèle, les ESAT favorisent la montée en compétences grâce à un suivi personnalisé et, dans certains cas, un accompagnement vers le milieu ordinaire. Ces structures jouent un rôle clé dans la construction d’un équilibre entre vie professionnelle et bien-être personnel, offrant un espace où chacun peut progresser à son rythme tout en bénéficiant d’un encadrement bienveillant.


Le milieu protégé offre aussi des opportunités de socialisation et de développement personnel. En travaillant aux côtés de personnes vivant des situations similaires, chacun peut trouver un soutien moral et un environnement où les particularités de la santé mentale sont comprises et respectées. C’est une réponse inclusive, visant à offrir un cadre professionnel aux personnes qui pourraient éprouver des difficultés dans un environnement de travail classique.

Un cheminement personnel entre inclusion et soutien

Choisir entre un milieu ordinaire et un milieu protégé est une démarche personnelle, souvent guidée par la nature du handicap, les objectifs professionnels et le type de soutien nécessaire. Certaines personnes peuvent débuter en milieu protégé pour progressivement passer vers un emploi en milieu ordinaire, tandis que d’autres préfèrent rester dans un environnement où les besoins de santé sont prioritaires. Ce choix n’est pas figé et peut évoluer avec le temps et l’évolution de la personne.


Grâce aux dispositifs de soutien variés, il est possible de passer d’un milieu à l’autre en fonction des besoins et des aspirations. Les associations et les conseillers spécialisés, comme ceux de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), peuvent accompagner ce processus de transition en proposant des orientations et des conseils pratiques.


Ce cheminement s’inscrit dans un processus de rétablissement, où l’on avance étape par étape, en prenant en compte ses propres capacités et priorités. Il s’agit d’un choix actif, permettant à chacun de s’autoriser à choisir le cadre qui convient le mieux pour préserver sa santé mentale, tout en continuant à explorer les opportunités du monde professionnel.

Bâtir un monde professionnel où chacun peut s’épanouir

En définitive, que l’on choisisse un milieu ordinaire ou un milieu protégé, l’objectif reste identique : trouver un cadre de travail respectueux des besoins et des capacités de chacun. Ces choix de parcours ne doivent pas être perçus comme des limitations, mais plutôt comme des adaptations nécessaires pour se construire durablement.


Au-delà des choix individuels, c’est aussi une responsabilité collective. Nous devons tous œuvrer pour un monde professionnel inclusif, où chaque parcours est valorisé et où chaque personne peut trouver sa place.

Chez Plein Espoir, nous croyons en un environnement de travail où chacun peut s’épanouir, et nous nous engageons à promouvoir des pratiques et des solutions qui mettent la santé mentale au centre des préoccupations. Au-delà des objectifs et des résultats, la santé mentale des individus reste la clé d’un parcours professionnel durable.


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Réorientation professionnelle : rebondir après un diagnostic de trouble psy ?

Un diagnostic de trouble psychique peut bouleverser de nombreux aspects de notre vie, et l’un des plus touchés est souvent notre parcours professionnel. Après un tel diagnostic, la question de l’avenir professionnel devient incontournable. Comment continuer dans son emploi ou secteur d’activité ? Faut-il se réorienter ? Et comment rebondir après ce changement de perspective ?


Chez Plein Espoir, nous avons rencontré de nombreuses personnes qui, après avoir pris conscience de leur trouble psychique, ont ressenti le besoin de se réorienter professionnellement. Si cette transition peut sembler complexe, elle est souvent porteuse de nouvelles opportunités. Se réinventer professionnellement, c’est souvent commencer par mieux se connaître, comprendre ses limites et ses aspirations, mais aussi savoir s’entourer des bons soutiens. Bien que chaque parcours soit unique, il existe des étapes qui peuvent nous aider à aborder cette réorientation avec plus de sérénité et de clarté. Il ne s’agit pas seulement de trouver un nouveau job, mais de redéfinir un projet professionnel qui prenne en compte notre réalité, tout en restant porteur de sens et d’épanouissement.

Les défis de la réorientation professionnelle après un diagnostic

Recevoir un diagnostic de trouble psychique peut être un véritable bouleversement, un moment charnière qui chamboule nos repères et nous invite à repenser nos priorités, y compris sur le plan professionnel. Cette introspection, bien que nécessaire, peut être difficile à accepter. Elle nous confronte à une part de nous-mêmes parfois méconnue, ainsi qu’à des limites nouvelles qu’il nous faut apprivoiser.


Mais si ce tournant devenait une opportunité ? Une occasion de mieux nous comprendre, de réévaluer ce qui compte vraiment, et d’envisager d’autres façons d’avancer. À partir de là, il ne s’agirait pas seulement de « faire avec », mais peut-être de faire autrement, en accord avec notre authenticité et nos aspirations renouvelées.


La réorientation professionnelle peut constituer une réponse constructive à ce bouleversement, offrant une opportunité de transformer cette épreuve en un nouveau départ. Elle permet de repenser son parcours, d’adapter ses choix à ses besoins et à ses aspirations, et d’explorer des horizons plus en phase avec sa réalité. Cependant, cette démarche n’est pas sans défis : elle s’accompagne de nombreuses préoccupations, notamment liées à la stigmatisation persistante et à l’incertitude quant à l’avenir. En France, plus de 30 % des personnes vivant avec des troubles psychiques déclarent rencontrer des difficultés à concilier leurs ambitions professionnelles avec les exigences de leur santé. Ces obstacles rappellent l’importance d’un accompagnement adapté et d’un environnement inclusif, favorisant l’épanouissement de chacun, quelles que soient les limites rencontrées.


Face à ce tourbillon de bouleversements, il devient essentiel de redéfinir le champ des possibles. Cela implique d’explorer les options de réorientation professionnelle avec l’appui de professionnels qualifiés, tels que des conseillers en orientation ou des coachs spécialisés en réinsertion. Leur expertise permet de proposer des solutions adaptées aux défis spécifiques liés aux troubles psychiques, tout en tenant compte des aspirations personnelles et des contraintes de santé.


Par ailleurs, le rôle des proches est inestimable dans cette démarche. Amis, familles et personnes de confiance peuvent apporter un soutien précieux, en offrant écoute et encouragement, mais aussi en nous aidant à mieux nous comprendre. Leur présence bienveillante contribue à renforcer la confiance en soi nécessaire pour envisager de nouveaux horizons et faire des choix éclairés.

Ateliers du rétablissement en santé mentale IDF 2024 ©️ Maxime Gruss pour Santé mentale France

La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) : un possible atout pour la réorientation

En fonction du trouble psychique dont on parle, des symptômes et des conséquences de celui-ci, l’un des soutiens disponibles pour une aide à la réorientation peut être la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). En obtenant ce statut, les personnes concernées peuvent bénéficier d’aménagements spécifiques tels que des horaires flexibles, des pauses supplémentaires, ou des aménagements ergonomiques pour adapter le lieu de travail à leurs besoins ainsi qu’un accès prioritaire à certaines formations et des aides financières.


La RQTH peut-être un levier précieux pour garantir que chaque étape de la réorientation professionnelle se déroule dans un cadre sécurisé. Elle permet d’envisager des emplois, en milieu ordinaire ou protégé, avec des conditions de travail adaptées et d’accéder à des dispositifs d’accompagnement spécifiques pour les personnes en situation de handicap.

Évaluer ses compétences, redéfinir ses objectifs et se former

La réorientation professionnelle débute par une phase de réflexion personnelle pour évaluer ses compétences et ses aspirations. Après un diagnostic, nous éprouvons parfois la nécessité de faire le point sur nos capacités et de redéfinir nos objectifs professionnels afin d’aligner travail et santé mentale. Cette étape peut être facilitée par des bilans de compétences, proposés par des organismes généralistes comme France Travail ou des acteurs plus spécialisés sur les questions de santé mentale comme ARIHM Conseil ou l’association Messidor. Ce type d’accompagnements, pouvant être financés, peut nous aider à identifier nos forces et nos aspirations et ainsi tracer des pistes professionnelles adéquates à notre situation et à la réalité du marché du travail.


La formation continue est un autre atout à considérer pour concrétiser une réorientation après un diagnostic de trouble psychique. Lorsque l’on souhaite acquérir de nouvelles compétences ou se diriger vers des secteurs plus adaptés à ses besoins, les options de formation sont nombreuses. Grâce au Compte Personnel de Formation (CPF), chacun peut financer des parcours certifiants et qualifiants. 

S’entourer d’un réseau de soutien pour mieux rebondir

Comme tout changement d’importance, la réorientation professionnelle peut représenter une épreuve complexe à gérer pour notre santé mentale. Il est donc conseillé de ne pas rester seul face aux défis qu’elle impose.


Au-delà des professionnels de santé et des acteurs spécialisés sur l’insertion professionnelle, s’entourer d’un réseau de soutien est important pour se sentir encouragé et valorisé tout au long de son parcours de réorientation. Les groupes de soutien tels que ceux proposés par la communauté de rétablissement CLUBHOUSE FRANCE offrent de précieuses occasions pour partager ses expériences, recevoir des conseils concrets et s’inspirer du parcours des autres. Ces espaces d’échange peuvent permettre de discuter des obstacles à affronter et de célébrer chaque réussite.

Sophie de Coatpont, Pair-aidante, ici au Congrès Réh@b 2024 ©️ Maxime Gruss pour Santé mentale France

La réorientation : une étape potentielle vers le rétablissement

La réorientation professionnelle va bien au-delà d’un simple changement de poste. Lorsqu’elle est entreprise dans de bonnes conditions, elle devient une opportunité d’explorer une activité qui aligne mieux ses valeurs, ses aspirations et sa situation. Elle permet de redonner du sens à son parcours et de construire un projet professionnel en cohérence avec soi-même.


Pour ceux qui choisissent cette voie, la réorientation est un chemin ponctué de défis, mais également riche en apprentissages. Chaque étape, aussi exigeante soit-elle, peut devenir une source de satisfaction personnelle, marquant une avancée vers une vie professionnelle plus épanouissante et respectueuse de ses besoins.

Chez Plein Espoir, nous croyons en un environnement de travail où chacun peut s’épanouir, et nous nous engageons à promouvoir des pratiques et des solutions qui mettent la santé mentale au centre des préoccupations. Au-delà des objectifs et des résultats, la santé mentale des individus reste la clé d’un parcours professionnel durable.


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Peut-on tout faire quand on vit avec un trouble psychique ?

Chez Plein Espoir, cette question revient souvent : comment envisager l’avenir avec un trouble psychique, qu’il soit récent ou ancien ? Le diagnostic, s’il éclaire une partie de notre vécu, peut également restreindre notre vision des possibles. Il rend parfois l’idée de « tout faire » inaccessible, voire décourageante. Mais peut-être cette question mérite-t-elle d’être repensée, voire reformulée, particulièrement dans un contexte où l’idée de pouvoir être n’importe qui, faire n’importe quoi, semble être associée à l’idée de « réussite ».


Et si « tout faire » ne signifiait pas accomplir ce que d’autres, ou même nous dans un autre contexte, aurions pu imaginer, mais plutôt vivre pleinement ? Pleinement, cela veut dire en harmonie avec nos besoins, nos limites, et nos aspirations profondes. Trouver cet équilibre pourrait être moins une concession qu’un chemin vers une vie authentique. Peut-on s’épanouir tout en ajustant nos attentes, en prenant soin de notre santé mentale, et sans renoncer à nos rêves ? Cette réflexion, complexe et personnelle, mérite d’être explorée.


Après tout, même sans trouble psychique, personne ne peut « tout faire ». Nos choix, nos ressources, et nos circonstances dessinent toujours des frontières à nos possibilités. Avec un trouble psychique, ces frontières peuvent sembler plus proches, mais l’objectif reste le même : identifier et construire un espace, un projet ou un travail, qui nous permette de vivre de façon équilibrée, satisfaisante, et alignée avec nous-mêmes. Car au-delà des limites, il existe toujours un chemin vers l’épanouissement.

Des contraintes aux tremplins vers notre épanouissement

Dans une société où l’accomplissement personnel et professionnel est souvent vu comme une norme incontournable, la question de savoir si l’on peut « tout faire » avec un trouble psychique peut rapidement sembler irréaliste, voire démoralisante. Mais est-il vraiment nécessaire de s’astreindre aux mêmes objectifs que ceux auxquels nous sommes habitués ? Peut-être que le véritable défi n’est pas de « tout faire » selon des critères extérieurs ou des attentes imposées, mais de redéfinir ce que signifie réussir. Qu’est-ce qui constitue une vie épanouie lorsqu’on vit avec un trouble psychique ? Comment repenser nos attentes et nos projets pour qu’ils soient en adéquation avec notre réalité, tout en tenant compte de nos besoins et de nos limites ? 


Plutôt que de percevoir nos troubles comme des obstacles, il paraît opportun de les envisager comme des leviers pour réinventer notre parcours. Accepter nos contraintes n’est pas un renoncement, mais un ajustement de nos aspirations face à la réalité. En réévaluant nos attentes et en les adaptant à ce qui nous permet réellement de nous épanouir, nous nous offrons la possibilité d’explorer de nouveaux horizons. L’exercice n’est pas facile mais il en vaut la peine.

Ateliers du rétablissement en Santé mentale IDF ©️Maxime Gruss pour Santé mentale France

Trouver des environnements adaptés

Trouver un environnement de travail adapté à ses besoins n’est pas toujours évident, surtout lorsque l’on vit avec un trouble psychique. Tout travail et tout changement, même positif, engendre du stress. L’objectif pour nous n’est pas seulement de chercher à se protéger, mais de trouver un équilibre : un cadre professionnel qui permette à la fois de se sentir en sécurité et de s’épanouir. Cela passe par un environnement flexible, capable de répondre à nos besoins spécifiques tout en nous offrant la possibilité de repousser nos limites.


Certaines personnes peuvent alors choisir le milieu protégé et des structures comme les ESAT (Établissements et Services d’Aide par le Travail), où les missions et horaires sont adaptés aux travailleurs en situation de handicap. D’autres, plus autonomes, se tourneront vers le milieu ordinaire, à travers le salariat ou un travail indépendant, qui permet de fixer ses horaires et potentiellement de mieux gérer les périodes de fatigue ou de stress. Des dispositifs comme la RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé) permettent de bénéficier d’aménagements en entreprise : horaires flexibles, télétravail, pauses supplémentaires, accompagnement psychologique.

L’essentiel est d’initier une réflexion personnelle pour identifier ses besoins, et de trouver les professionnels qui sauront nous accompagner dans ce processus. Il s’agit ensuite de choisir un cadre adapté, respectueux de notre bien-être, sans être contraint par un modèle imposé. Savoir mettre sa santé en priorité, c’est la base de la réussite dans le milieu professionnel. Sans ça, le risque de décrochage et de la perte de l’emploi devient de plus en plus important.

Eric – Responsable paie et personne concernée

Repenser et redéfinir son parcours

En définitive, la question « peut-on tout faire avec un trouble psychique ? » interroge notre capacité à redéfinir nos horizons. En transformant nos contraintes en leviers, il peut devenir possible de poursuivre un parcours professionnel non seulement satisfaisant, mais profondément épanouissant. Cela nécessite une réflexion continue, un ajustement des attentes, et surtout la conviction qu’il n’existe pas une trajectoire unique, rectiligne et “toute tracée”. Chaque individu, avec le soutien adéquat et une meilleure connaissance de ses besoins, peut trouver ses réponses et les affiner au fil du temps.

Chez Plein Espoir, nous croyons en un environnement de travail où chacun peut s’épanouir, et nous nous engageons à promouvoir des pratiques et des solutions qui mettent la santé mentale au centre des préoccupations. Au-delà des objectifs et des résultats, la santé mentale des individus reste la clé d’un parcours professionnel durable.


Vous souhaitez en savoir plus et rencontrer d’autres personnes engagées dans le rétablissement ? Rejoignez les réseaux sociaux de Plein Espoir, le média participatif en plein développement, dédié au rétablissement des personnes concernées par les troubles psychiques.


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